Le Gardien d'Epitaphe
- Par arcimboldodejuin
- Le 19/01/2024
Des monuments bien propres
Pour des morts pas si blancs
Contraste détonnant de ces stèles écarlates
L'éclair mémoire d'une foudre calcaire
Qu'incendie un caniard tropique à midi

La culpabilité Delgrès gravée dans le grès
Une flamme du souvenir qui ne doit pas forger rancune pour autant.
C'était le passé.

Le poilu du tombeau ne s'y trompe pas d'ailleurs
Il a délavé sa pelisse tranchée à la couleur de sa lassitude: Tropique bleu des cancers du sud
Il s'en est mis jusqu'au casque et jusqu'aux pieds qu'il a dans le sable
Au dessus le ciel s'en talque l'azur des coupables dans une indifférence passée, présente et future immuable.
D'un bleu insondable
Grand le bleu dans son dos aussi, et pas seulement celui de sa bourre de soldat
Celui de l'océan, écrasé de lumière jusqu'à l' horizon Floride quand il n'est plus Caraïbe.
Scintillant sous le soleil.
Je veux l'imaginer

Dans quelques instants il descendra lentement de son piedestal
Laissera glisser son fusil inutile en allant s'assoir à l'ombre, sur les marches de son caveau
Son casque roulera sur le sol depuis sa tête penchée par le poids des années
Il frottera perplexe ses joues rugeuses de barbu centenaire
Puis sortira de sa tunique minéral un grand mouchoir brodé de drap ancien
L'ouvrage de sa mie imaginée
Son ultime cadeau avant l'appel du clairon
Il s'en essuiera délicatement le front des sueurs du combat
Une dernière fois.

Puis réalisant les palmiers autour et le ressac des vagues
Détachera le masque de cuir de sa gueule cassée, tout ça n'aura plus d'importance
Il ajustera son vieux salako saintois de pêcheur de cannes

Jettera ses gros godiots de boue au diable des alizés
Déposera au sol son fardeau funéraire
Et les chausses remontées sur ses pieds de statue
Il prendra la clé des dunes pour disparaitre dans l'écume
Et fondre dans les embruns
Dans le sable humide l'empreinte de ses pas nus
Du gardien d'épitaphe, la signature posthume

arcimboldodejuin Plage Guadeloupe Karukera tropique