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Arcimboldodejuin

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Encore fallait-il le savoir...

Les bulles de la cafetière gazouillent que le café est prêt

Une vapeur arabica s’en échappe et embaume la terrasse conifère

Entre Viso et Font Sancte

Piémont et Provence

Au dessus de la p’tite table teck du p’tit dej une p’tite abeille me fixe en vol stationnaire au dessus du beurre

Sourcils froncés

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Dueloptère

Ferait mieux de contempler le panorama au lieu de vouloir piquer la tartine

Pourra jamais l’emporter de toutes façons

C’est Camerone cette terrasse

Je vais faire mon Danjou, elle peut faire son Milan

L’histoire ne se reproduira pas, elle n’aura ni la confiote ni le frometon

L’abeille se fait la belle

7h30, le soleil pointe un bout de raie au-dessus du nez des lauzes d’en face

Ballet d’hirondelles de fenêtres dans l’air cristal du matin des crêtes

Piaillement typique, annonce des hautes pressions, vigie des tempêtes de ciel bleu

Pourtant pas un souffle, que celui du battement de leurs ailes

Et le pinceau ambré de la lumière qui glisse doucement sur les bardages

Dorure du bois ensoleillé

A le regarder on sent le rabot des saisons sous la paume de la rétine

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Dans les écoutilles de vieux loup de labo, Sade, pas le marquis, la chanteuse nigériane

Suis a ma place même si les lauzes d’enfance ne sont pas celles de mon en face

Lapsus volontaire

Qui fait naufrager des radeaux de pensées

Vers des racines d’îles du Sud

Nous avons fêter la majorité du petit dernier.

Nous lui avons confectionné l’album photo tradi des 18 premières années de sa vie

Celui qui exhume les souvenirs de famille.

Une photo de mon père issue d’une carte d’identité, vieille forcément.

Il aurait 97 ans.

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Tempes grisonnantes, sourire de Joconde. Comme s’il était content qu’on se revoit.

Comme moi. Merci la photographie, merci l’album tradi

A l’époque on avait encore le droit de sourire pour s’identifier. C’était avant l’intelligence artificielle.

De quand date cette photo ? Je ne sais pas

Ce dont je me souviens très bien c’est de la dernière fois où je l’ai vu, lui.

Je ne savais pas que ce serait la dernière, c’est souvent comme ça, non ?

Nous étions 2002 ans plus loin au compteur de la chrétienté

C’était le début du printemps dans les Balkans, comme dans le reste de l’hémisphère nord

Il clopinait clopant

Nous raccompagnant à la voiture après quelques instants passés ensemble.

Pantalon de survêtement gris clair

Polo blanc

Bras droit plié, main sur le ventre

Tête penchée regardant ses pieds

Pour ne pas s’encoubler

La démarche mal assurée depuis plusieurs années

Buste penché en avant, fardeau des années passées, usure familiale

Fatigue d’un futur retraité qui ne le sera jamais

Traits tirés

Regard perdu vers le sol sans le voir

Peut-être intérieurement tourné vers ses souvenirs africains, l’ophtalmologie, les grandes endémies,

Le Service de Santé des Armées désarmé qu’on réarme, ironie des politiciens qui ne voient pas plus loin que le bout de leur carrière,

Le temps écoulé, les aventures passées, la guerre de son adolescence, les pistes ensablées des regs des ergs déserts

 

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Peut-être pensait il a ce qu’il avait encore à porter, à sa malédiction des 4 z’enfants qu’il nous souhaitait régulièrement d’avoir, avec chacun son pesant de tracacahuetes.

Ou peut-être avait-il le pressentiment. Celui que ses heures étaient comptées, proche des dernières. Ce qui s’est vérifié.

Je me souviens du ton de sa voix mais pas de ses derniers mots.

La formulation exacte s’est oubliée dans ma mémoire.

C’était un « au revoir » déguisant un adieu.

Encore fallait-il le savoir.

Ça aurait changé quoi ?

On se serait pris dans les bras ? Pas certain.

Entre la maladresse sentimentale bourrue d’un ado attardé de 20 ans et le patriarcat taiseux fatigué il y a un fossé de génération que l’immaturité et la fierté empêchent de franchir, parfois.

Une poignée bien virile de sa main de chirurgien quelques fois rugueuse et lourde ?

une tape sur l’épaule et un regard compatissant ?

une bourrade velue dans le dos ?

On ne saura jamais. Spontanéité perdue. Il aurait fallu s’y préparer.

Était-ce possible ? pas évident non plus même quand on est prêt on ne l’est pas.

Difficile de bien se quitter.

Les souvenirs gardés, odeurs, sons, lumières, images ne se choisissent pas.

Ils ne se gravent pas non plus. Tout au plus s’impriment-ils comme l’encre mais comme elle, finissent par s’estomper.

Jusqu’à vous surprendre aux détours d’une page que l’on tourne, un bibelot de grenier que l’on vide,

Un reste de parfum de flacon empoussiéré que l’on débouche à tout hasard,

Une chanson, trois petites notes de musique, un lieu, une photo découpée collée dans l’album du petit dernier.

Toutes ces formes floues des fantômes de clichés.

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J’ai oublié comment on dit « Papa », ça fait bien des années maintenant.

Et quand j’entends ce mot, je me retourne.

Papa ? C’est moi…comme disait sans doute Louis XIV à ses enfants :)

Ça a été lui aussi, avant.

Un jour peut-être mes garçons

 

Allez savoir.

Allez rentrons.

arcimboldodejuin Désert montagne