L'histoire d'une parenthèse
- Par arcimboldodejuin
- Le 23/07/2023
Auteur pas bien haut mais pas mal élevé, con positeur peut-être en tout cas sans position politique ça ne fait pas doute.
Juste témoin du monde et de l'homme coupable jusqu' à preuve du contraire.

La seule position en ma possession ce matin est celle que j'adopte appuyé bras croisés contre l'épaule balustrade.
Les pieds nus bien à plat sur les lattes mahogany de la varangue anti-cyclone. Pour sentir les fibres du bois contre la peau.
Les yeux sur le gai spectacle de la houle argentée que les cannes à sucre peignées de vent dansent en cadence sur le coteau du morne d'en face.
Un mug de vanibel sur la table pour trinquer à la santé de l'archipel.
Il est 11 mois plus tard et 6 heures moins dix, Basse Terre s'éveille au rythme des coqs de jungle.

Le caaaafé fume. Les poulets boucaaanent.
Lecture des pincipales nouvelles du jour.
A la page météo, ce matin un nuage a glissé sa forme alizée sur l'horizon. Pas d'autre tempête aujourd'hui que celle du ciel bleu.
Alinéa des faits d'hiver, état néant, c'est l'été.
Paragraphe musical, des milliers d'oiseaux tout autour en concert désordonné et dans les fleurs qui afleurent la terrasse un ballet colibri
Rubrique des coeurs perdus, tu me manques et tu le sais

Coin des petites larmes, Harry Bellafonte nous a quitté.
Farewell Bo Jangle, I keep your Island in the Sun sous bonne garde et toutes tes chansons dans le souvenir de mes ouies.
Harry Belafonte : Jamaica Farewell
Strophe cata, celle de l'histoire.
Le 27 avril 1848, 80000 esclaves ont été libérés.
Chériette, Francine, Ambroise, Malgrétoute, Crépin, Niforce, Petit Pierre, Flore, Mayère, Amaranthe, Eustache, Madère, Placide, Bamboche, Cyprien et tous les autres
Si la liberté vous a dédommagé d'une fortune aussi grande que les racines qu'on vous a fait pousser de l'Afrique aux Antilles, vous avez du être payés des cents et des milles

Mais j'en doute
Et parce qu'il est impossible d'y échapper dès qu'on met le nez dans un média, même sans lunettes, les titres sont toujours trop gros:
Article société: on algorithme le monde et l'on hexagone la France
Fin de la lecture.
Il est temps d'adopter un contour flou totalement dépourvu d'angles.
Je vais épouser la forme d'une dune qui ne sera jamais ma moitié.
Je vais m'allonger sur elle et devenir vague. Quoi de mieux hormis l'étreinte d'être aimé ?
Tandis que dans le lointain une enceinte ressac met au monde pour qui veut l'entendre un air de cora Sissoko sans gow-Ka
Ludovico Einaudi - Laissez Moi en Paix (Visualiser)
Les pensées divaguent au gré des palmes qui trempent leur ombre estompée dans la lagune
La plage blanche devient cocaine comme une poudre corail
Elle s'étale en rail de sable latécoère comme une fumerole ganja
De quoi se consumer au soleil ardent, faire le flamboyant phénix de la marée galante.
Devenir sémaphore c'est mon droit.

Se ressourcer en continuant d'écrire l'histoire d'une parenthèse funambule que l'on aimerait bien pouvoir lire comme un livre ouvert
Pour ce chapitre, quelques mots au charbon de bois flotté gribouillés sur les pétales d'une rose des sables ou sa cousine des vents
Histoire de ne pas froisser les alizés.
J'ai déjà offert mon coeur épris. Alors dans ces mots j'y mettrai tout mon cerveau.
Le poser pour une fois. Le vider enfin.
Comme la bouteille de rhum que je tiens dans la main.
Labat, 59°, ici et tout de suite, descendue par le phénix décendré que je suis pour y insérer ces pensées gondolées.
Les laisser emporter par les bras du chenal jusqu'aux nuages cotoneux que la brise marine pousse doucement sur l'horizon?

Non.
C'est un coup à finir au soleil éternel des esprits sans tâche.
Décérébré mollusque béat sans mémoire.
Hors de question.
S'apprivoiser plutot.
Cartographier. Trouver son chemin dans ses longs méandres de fleuve pas si tranquille.
Mémoire fleuve Congo serpentin de moire avec tous ses affluents sensoriels traversant la foret dans un éclair noir.

Les odeurs graminées comme le parfum d'une peau aimée partie à 8000 kilomètres parce que je le vaux bien et qui a laissé derrière son flacon d'eau cologne comme un fait exprès
Les mélodies des voix familières, et toutes les musiques qui font la bande son d'une vie
Les saveurs d'enfance dont les échos papilles s'attenuent progressivement à moins d'une piqure de rappel
Un visage oublié sur une photo retrouvée par hasard, qui vous saute aux souvenirs et vous estomaque le plexus
Le velouté d'une peau tant caressée dont on est séparé mais qui n'effacera jamais son granité de vos empreintes digitales
Et l'implacable sixième sens pour les gouverner tous, et l'écrire entièrement
Pauvres esclaves du manque qu'ils sont.

Jamais vu une luminosité pareil.
La belle parenthèse que voilà. La belle plage aussi.
Ouverte à des milliers de kilomètre, il faut être bien fou.
Mais ça fait un bien fou.

Allez rentrons

arcimboldodejuin Plage Karukera Guadeloupe tropique