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Arcimboldodejuin

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Allez rentrons

Un jour vint le retour, Djibouti 18 aout 2015.

Aéroport d’Ambouli. Les moteurs tournent.
L’air vibre sous les coups de marteau que le soleil lui inflige.
Le goudron de la piste d’atterrissage se liquéfie sur l’enclume du sol en ébullition.
Stigmates d’un été dans la corne d’Afrique.
Dans quelques instants on volera le retour.
Si l’aéronef arrive à dépatouiller ses roues de la marée noire du tarmac.
Dernier coup d’œil en arrière, par-dessus l’épaule, les paupières plissées par toute cette écrasante luminosité.
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C’était Djibouti.
Une lande décharnée et famélique qui grille comme le grain d’un café éthiopien, mais sans cérémonie.
Une belle et hostile terre, sensuelle et dure.
Nous sommes contents de l’avoir connue. Même si ça n’était pas gagné.
Mais voilà.
Après d’abondants lavages oculaires aux gouttes de sérum panoramique, de nombreuses fumigations aux vapeurs d’encens omanais, de longues et répétées caresses à la crème de soleil Somali et quelques nuits suspendues entre étoiles et échos des muezzins aux accents noctambules, la mayonnaise du globiboulga Afar a pris (car oui il y a aussi de la mayonnaise dans le globiboulga).

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Djibouti,

Nous te quittons sans regret. Nous ne reviendrons pas, nous t’en faisons la promesse.
Nous avons pris ce qu’il y avait à prendre et nous ne te laissons rien.
Aucune des pages de notre vie de famille écrites dans l’ocre de tes déserts,
Aucune de nos empreintes de pas éphémères dans le sable humide de tes plages sauvages
Aucun de nos souffles ébahis sur le tombant bleu de tes récifs coralliens
Aucune de nos silhouettes rupestres ondulant dans les nuits désertiques aux feux primitifs des camps nomades
Aucune de nos ombres brulantes éclaboussées de soleil sur les écailles noires de ton sol volcanique

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Nous te quittons sans regret. Nous ne reviendrons pas, nous t’en faisons la promesse.
Nous avons pris ce qu’il y avait à prendre et nous ne te laissons rien.
Nos malles sont pleines.
De poussière et de sable africains avant tout.
Mais aussi de trésors qui ne le sont que pour nous.
Des petits riens pour se souvenir beaucoup et transmettre un peu car n’est-ce pas là aussi le propre de l’homme ?
Nous ramenons des pense-bêtes pour panser la mémoire des hominidés que nous sommes
Des clichés numériques de beaux moments partagés, sympathiques parfois mystiques.
Tous uniques.
Des babioles qui n'ont de valeur que par les instants de vie que nous y avons noués.

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Nous te quittons sans regret. Nous ne reviendrons pas, nous t’en faisons la promesse.
Nous avons pris ce qu’il y avait à prendre et nous ne te laissons rien.
Mais nous promettons aussi de continuer le voyage. Tailler la route, la piste, dropper le djebel, crapahuter les monts, randonner les vaux, explorer les GR.
Ébouriffer encore les branches de la rose des vents comme des enfants espiègles histoire de mettre un peu le bazar dans ses points trop cardinaux.
Car nous t’aurons apprécié aussi pour ce que tu as permis.
Partir. Découvrir, voir, contempler, le soleil se lever à l’Est sur l’écrin omanais, se coucher à l’Ouest sur l’Ethiopie sympathique, éclairer au Sud l'aventure tanzanienne.
Le Nord appelle maintenant, probable détour pour d’autres horizons.
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Un infernal vent internet ne tardera pas à effacer ces lettres comme autant de traces de pas dans le sable fin de l'oued. 
Rien ne dure surtout pas le virtuel puisqu'il n’existe pas. Qu'importe "c'est bien plus beau lorsque c'est inutile !"
Ce fut un vrai plaisir de dessiner ces phrases, premiers surpris que nous sommes.
Le partage d’un certain regard. Souvent exalté, c’est vrai.
De la joie et un peu de délire, sans recours à d’illicites substances (tout au plus quelques mojitos, un peu de St Georges et des brochettes de bœuf éthiopien au feu de bois sous un ciel abasourdi d’étoiles).
Quelques syllabes jetées en ricochet pour la prolongation des choses .
Un devoir de mémoire familial dans lequel il ne faut pas voir plus que l’expression d’une liberté indomptable sur papier inexistant.
Une liberté de sauvage….de sauvage…
Une porte ouverte pour laisser libre cours à ce qui court à l’intérieur et le laisser courir loin.

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Loin ? N’était-ce pas là que nous étions…

« Ombres que nous sommes, si nous avons déplu, figurez-vous seulement (et tout sera réparé)
Que vous n’avez fait qu’un somme, pendant que ces visions vous apparaissaient.
Ce thème faible et vain, et qui ne contient pas plus qu’un songe, gentils spectateurs, ne le condamnez pas ;
Nous ferons mieux, si vous pardonnez. Oui, foi d’honnête Puck,
Si nous avons la chance imméritée d’échapper aujourd’hui au sifflet du serpent,
Nous ferons mieux avant longtemps, ou tenez Puck pour un menteur.
Sur ce, bonsoir, vous tous.
Donnez-moi toutes vos mains, si nous sommes amis,
Et Robin prouvera sa reconnaissance.
»

W. Shaekespeare, Songes d'une nuit d'été

Allez, rentrons.

 

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