Du vent dans les palmes
- Par arcimboldodejuin
- Le 29/10/2022
- Dans Voyages
Il est trois grammes moins le quart à l'apéritif de ma terrasse en bois tropical.
Les mains prises par mon petit verre de rosé, je m'écris une bafouille du front.
La nuit s'approche bruissant d'une vie grenouillère inimaginée pourtant réelle.
Le ciel va se répandre en galaxies infinies sur sa méridienne équatoriale.

Clair Debussy pour lune carribéenne
Le plein astre rond ondule pour nous ce soir
En se mirant la face dans une mer du Sud lisse comme une paume
A la surface de laquelle nous avons pris le virage d'une vie au frein à main


Tout est allé si vite.
Trois mois écoulés d'une rare intensité.
Il aura fallu replier, nettoyer, vendre, jeter, emballer, emporter, décharger.
Se séparer.
Hébus petit chat roux rayé, mascotte familiale s'est définitivement égaré dans la bataille.
Les huit vies qui lui restent n'ont pas fini de nous hanter.
Nous avons effacé 40m3 de vie et fait fondre quelques kilos de gras supplémentaires.
Nous avons dit adieu, une fois.
Nous avons dit au revoir cent fois.
Nous avons raconté, expliqué, justifié, rassuré, planifié mille fois.
Nous y voilà, dans notre masure anti-cyclone. A l'attendre.
C'est vendredi mais les écoles ont fermé tôt. Fiona va arriver.
La tempête tropicale qui court le long de l'échine Atlantique va bientôt s'essuyer les pieds sur nous.
La piqure de rappel d'une propié-terre à ses hommes loca-terre.
Belle ile en mer, Marie Galante, Karukera. Entre Voulzy et Souchon.
Entre plage de carte postale et jungle impénétrable où des phylodendrons géants enserrent des bambous comme
des cuisses, où les lianes s'emmêlent aux bananiers quand ce ne sont pas des manguiers.
Entre soleil ardent et pluies torrentielles.
Entre Mer Caraibes et Océan Atlantique.
L'ile aux pirates. Toujours peuplée de flibustiers.
Même s'ils ont troqué leurs perroquets contre des téléphones mobiles, même s'ils ont remplacé leurs galures à plumes contre des bonnets à dreadlocks en bas de contention.
Ils ont gardé leur breloque dorée en pendants et anneaux de nez ou d'oreilles.
Et leur air patibulaire quand ils sont au volant, où l'on devine à leur air louche qu'ils sont toujours borgnes et qu'ils ont la jambe de bois bloquée sur l'accélérateur.
On voit bien l'effet de la canne aussi dans certains regards en-rhumés, bas de la paupière, perdus sur un horizon qui tangue que l'on croise certains matins dans les rues moites de la Pwente.
Ils n'auront pas le colonel en retraite en barquasse Sang d'Heros, mille sabords.
Tandis que je m'égare en graffitis callygraphes la palette du ciel s'éclaire d'une lumière à faire palir un peintre.

Une brise lègère et chaude remue les ramures.
Le jeu des alizés.
Le vent dans les palmes.
Le calme avant la tempête.
Il nous reste tout à découvir et encore tant à faire.
Allez, rentrons.
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