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Arcimboldodejuin

Désert

  • 57 Réalités Rêvées

    Il est août moins trois mois au cadran solaire du sablier des plages

    Dans les caisses du retour on met à jours passés

    Le compte à rebours des souvenirs

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  • Café métis

    Entre guitare et kora

    Clairs accords pianos et country roots harmonica

    En tête à tête avec un soleil levant de plus

    La lumière rasante dansante sur la peau ébouriffée

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  • Khamsin

    J’écris ces lignes pour la cinquantième fois

    C’est normal, on comprendra pourquoi

    Khamsin, la cinquantaine en langue d’orient

    Mais aussi le nom du vent de sable qui balaye la corne de l’Afrique au début de la saison chaude

    Le grand abrasif terrestre qui sévit cinquante jours durant au pays du grand brasier solaire

    Et quand il s’y met, on y voit goutte ce qui n’est pas étonnant pour une contrée désertique

    Il ronge le métal, érode la roche, pulvérise l’asphalte et recouvre les pistes chamelières millénaires

    Il estompe toute trace sauf les rides

    Il les ravine aux visages des hommes car jamais n’arrête le temps qui passe

    Et sous les flammes des camps nomades qu’il étouffe il n’en finit pas d’attiser des braises de mémoire

    Eparpillant au passage une cendre plus sel que poivre aux bacchantes de ses victimes

    L’Afrique une fois de plus il aura encore fallu que je commence par là

    Continent infernal aux peuplades bantous où l’on a cru devoir porter la science coute que coute

    A coup de souvenirs, de légendes familiales ou contées ou vécues ou vues ou lues, de formation en déformation professionnelle, et même en chansons

    Elle me colle à l’âme et tatoue mon génome en filigrane

    Il doit y avoir en moi quelques tribus de ribosomes scarifiés, qui dansent autour du feu quand ils ne suivent pas une méharée de rêve guidés par la croix du sud sur une piste oubliée vers le rendez-vous d’Essendilène.

    Khamsin donc, toujours la cinquantaine en langue d’orient

    Le nombre d’année qui me sépare maintenant du point de départ. 50 années à gravir la montagne aux Ecritures.

    Comme l’impression d’arriver au sommet de l’ascension d’une vie. Voilà qui fait penser à la descente.

    La grande rando à sens unique que l’on fait d’une seule traite, sans personne à l’arrivée pour te ramener au départ. C’est ballot. On est bien là haut. Faut juste s’en rendre compte. Sinon s’en souvenir.

    A moins de croire dans la réincarnation, mais si c’est pour devoir refaire le chemin en pangolin, chiroptère, journaliste ou tout autre rampant sans pattes, je dis non. Et puis je souhaiterais croiser les mêmes gens. Faudrait que tout le monde se réincarne en même temps, voilà qui compliquerait le processus.

    Mais s’assoir dans le fauteuil et recommencer la projection en homme, ça je veux bien. Rembobiner le film. La lumière vacillante du vieux projecteur. L’asthme de son ventilateur. La pellicule qui tremblote sur l’écran de drap tendu aux portes d’une veille armoire provençale, dans la pénombre fraiche d’une maison de campagne en été.  Les images saccadées du passé. Tous ces souvenirs écoulés dans le sablier de la mémoire. Même pas le temps de se demander ce qu’il s’est passé. La punition de toujours vouloir anticiper demain.

    Rembobiner la bande son aussi. Les voix des parents, les rires des enfants et des amis, les mots de tendresse, les belles chansons, les mélodies morricones inoubliables qui raniment les souvenirs et font naitre de grands sentiments, les battements de cœur de ma moitié la tête sur sa poitrine. Et tous ces autres bruits de vie qui butine : l’eau qui coule sur les rochers des torrents, les poignées de vague dans le sable, la brise dans les feuilles, les clochettes de ris contre les mats des bateaux à l’amarre, la neige qui crisse sous les pieds, le grincement des vieux volets de bois d’un mas isolé que l’on ouvre dans l’aube estivale , les cigales des aurores et grillons des veillées, les pignes qui claquent dans les feux de cheminée, le bruissement d’une abeille dans les lavandes, un rouge-gorge la nuit, le vent des mélèzes. Se rappeler aussi le sang aux tempes et le souffle court de l’effort physique et le silence trop souvent bafoué, compagnon des coins égarés et ciels étoilés, ami des esprits perdus dans leurs pensées, respiration des musiques suspendues, cistercien des vieilles pierres, blanc des flocons qui tombent.

    Je ne regrette rien. Je n’aurais pu faire d’autres choix que ceux que j’ai fait au moment ou il fallait les faire. Je n’aurais pas pu trouver famille plus aimante, épouse plus bienveillante et attentionnée, Elle et mes enfant sont nouées à mon cœur pour toujours.Alors tant pis si je suis vieux. Je vous aime de toutes mes années.

    Je vais prendre toute la 16eme latitude nord de franchir ces cinquantièmes vieillissant en m’accrochant aux branches de la rose des vents. Je prendrai le vol du premier alizé qui passe et vous emmènerai avec moi

    Puisse-t-il nous déposer  7000 km vers l’Ouest.

    Pour rattraper le soleil avant qu’il ne se couche. 

    Pour l’empêcher de s’endormir et de nous disparaître.

  • Des souvenirs Masaï

    Emergeant de la canopée goudron

    Le viaduc béton toise la vallée minière

    Arachnide asphalte à la toile ruisselant de fer

    Où s’accroche un brouillard comme un cancer au poumon

    Dans la mémoire étriquée du rétroviseur plastique

    Des volutes souvenirs Masaï 

    Par delà le vent de sel des dunes autoroutes 

    Filtrant dans la forêt pas vierge des pylônes électriques 

    Loin vers l’Est un soleil savane dissipe des hyènes de brume

    Ces cabots météo aux basques de la fourmilière

    Lévriers efflanqués aux trousses des retardataires

    Qu’un revers de main solaire évapore et consume

  • Allez rentrons

    Un jour vint le retour, Djibouti 18 aout 2015.

    Aéroport d’Ambouli. Les moteurs tournent.
    L’air vibre sous les coups de marteau que le soleil lui inflige.
    Le goudron de la piste d’atterrissage se liquéfie sur l’enclume du sol en ébullition.
    Stigmates d’un été dans la corne d’Afrique.
    Dans quelques instants on volera le retour.
    Si l’aéronef arrive à dépatouiller ses roues de la marée noire du tarmac.
    Dernier coup d’œil en arrière, par-dessus l’épaule, les paupières plissées par toute cette écrasante luminosité.
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    C’était Djibouti.
    Une lande décharnée et famélique qui grille comme le grain d’un café éthiopien, mais sans cérémonie.
    Une belle et hostile terre, sensuelle et dure.
    Nous sommes contents de l’avoir connue. Même si ça n’était pas gagné.
    Mais voilà.
    Après d’abondants lavages oculaires aux gouttes de sérum panoramique, de nombreuses fumigations aux vapeurs d’encens omanais, de longues et répétées caresses à la crème de soleil Somali et quelques nuits suspendues entre étoiles et échos des muezzins aux accents noctambules, la mayonnaise du globiboulga Afar a pris (car oui il y a aussi de la mayonnaise dans le globiboulga).

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    Djibouti,

    Nous te quittons sans regret. Nous ne reviendrons pas, nous t’en faisons la promesse.
    Nous avons pris ce qu’il y avait à prendre et nous ne te laissons rien.
    Aucune des pages de notre vie de famille écrites dans l’ocre de tes déserts,
    Aucune de nos empreintes de pas éphémères dans le sable humide de tes plages sauvages
    Aucun de nos souffles ébahis sur le tombant bleu de tes récifs coralliens
    Aucune de nos silhouettes rupestres ondulant dans les nuits désertiques aux feux primitifs des camps nomades
    Aucune de nos ombres brulantes éclaboussées de soleil sur les écailles noires de ton sol volcanique

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    Nous te quittons sans regret. Nous ne reviendrons pas, nous t’en faisons la promesse.
    Nous avons pris ce qu’il y avait à prendre et nous ne te laissons rien.
    Nos malles sont pleines.
    De poussière et de sable africains avant tout.
    Mais aussi de trésors qui ne le sont que pour nous.
    Des petits riens pour se souvenir beaucoup et transmettre un peu car n’est-ce pas là aussi le propre de l’homme ?
    Nous ramenons des pense-bêtes pour panser la mémoire des hominidés que nous sommes
    Des clichés numériques de beaux moments partagés, sympathiques parfois mystiques.
    Tous uniques.
    Des babioles qui n'ont de valeur que par les instants de vie que nous y avons noués.

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    Nous te quittons sans regret. Nous ne reviendrons pas, nous t’en faisons la promesse.
    Nous avons pris ce qu’il y avait à prendre et nous ne te laissons rien.
    Mais nous promettons aussi de continuer le voyage. Tailler la route, la piste, dropper le djebel, crapahuter les monts, randonner les vaux, explorer les GR.
    Ébouriffer encore les branches de la rose des vents comme des enfants espiègles histoire de mettre un peu le bazar dans ses points trop cardinaux.
    Car nous t’aurons apprécié aussi pour ce que tu as permis.
    Partir. Découvrir, voir, contempler, le soleil se lever à l’Est sur l’écrin omanais, se coucher à l’Ouest sur l’Ethiopie sympathique, éclairer au Sud l'aventure tanzanienne.
    Le Nord appelle maintenant, probable détour pour d’autres horizons.
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    Un infernal vent internet ne tardera pas à effacer ces lettres comme autant de traces de pas dans le sable fin de l'oued. 
    Rien ne dure surtout pas le virtuel puisqu'il n’existe pas. Qu'importe "c'est bien plus beau lorsque c'est inutile !"
    Ce fut un vrai plaisir de dessiner ces phrases, premiers surpris que nous sommes.
    Le partage d’un certain regard. Souvent exalté, c’est vrai.
    De la joie et un peu de délire, sans recours à d’illicites substances (tout au plus quelques mojitos, un peu de St Georges et des brochettes de bœuf éthiopien au feu de bois sous un ciel abasourdi d’étoiles).
    Quelques syllabes jetées en ricochet pour la prolongation des choses .
    Un devoir de mémoire familial dans lequel il ne faut pas voir plus que l’expression d’une liberté indomptable sur papier inexistant.
    Une liberté de sauvage….de sauvage…
    Une porte ouverte pour laisser libre cours à ce qui court à l’intérieur et le laisser courir loin.

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    Loin ? N’était-ce pas là que nous étions…

    « Ombres que nous sommes, si nous avons déplu, figurez-vous seulement (et tout sera réparé)
    Que vous n’avez fait qu’un somme, pendant que ces visions vous apparaissaient.
    Ce thème faible et vain, et qui ne contient pas plus qu’un songe, gentils spectateurs, ne le condamnez pas ;
    Nous ferons mieux, si vous pardonnez. Oui, foi d’honnête Puck,
    Si nous avons la chance imméritée d’échapper aujourd’hui au sifflet du serpent,
    Nous ferons mieux avant longtemps, ou tenez Puck pour un menteur.
    Sur ce, bonsoir, vous tous.
    Donnez-moi toutes vos mains, si nous sommes amis,
    Et Robin prouvera sa reconnaissance.
    »

    W. Shaekespeare, Songes d'une nuit d'été

    Allez, rentrons.

  • Ville noire saignée à blanc

    Souvenir d'un mois de juillet en ville, République de Djibouti, 2015.

    Juin dégoulinait dans la chaleur moite d’un été approchant, juillet se torréfie dans les bourrasques d'un vent désertique.
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    Les voies aériennes ramènent les familles en France, pour l’été ou définitivement.
    Djibouti se vide.
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    L’agent orange recouvre cette ville noire saignée à blanc. Les djiboutiens vont encore dire que c’est un coup des américains.
    Mais ce n’est que le Khamsin, qui égrene ses 50 jours de sable. Il exhale son haleine brulante dans les rues, obstrue l’horizon et masque le soleil.

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    Période particulière, à la mine patibulaire . Pays désert, ville exsangue. Plus aucun chouf pour réclamer des bakchichs. La voie est libre et les parkings à nouveau gratuits. Voilà qui convient parfaitement au braconnage numérique. Ne présager de rien. Ne pas influencer le cours des choses. Laisser l’image venir à l’objectif. Fureter. Observer en passant.

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    Avec Brindille, nous allons nous perdre dans les rues de la ville. Baroud d’honneur de cette brave petite voiture qui finira sa vie ici. La traite des blanches version mécanique. Mais alors qu’une vie d’homme est comptée au djiboutland, celle d’une voiture est étrangement longue.
    Les garagistes locaux sont très forts en réanimation africanisatrice. Des adeptes du « bankal-kiroul », le seul art à durer dans cette contrée. Il n’y a qu’à voir les taxis: colmatage de ci, rabotage de ça, ajout de bouts inutiles, ablation d’autres utiles, conversion des pièces d’origine en pièces chinoises assurant de perpétuelles réparations éphémères.

    L’excision mutilatrice, une fâcheuse tendance dans la corne d’Afrique.

    Seuls les hommes et des hommes seuls restent au djiboutland. C’est ce que les nayas d’Ethiopie aux jupes courtes, aux abyssins décolletés et mains baladeuses, celles des bars glauques des fins fonds de la ville, appelaient le mois du blanc. Rapport à la couleur de peau de cette clientèle qui affluait aussitôt la famille dans l’avion. Les dessous d’une vie portuaire où l’éloignement de la mère patrie donne l’illusion que tout est permis une fois la mère partie. Cette époque n’est pas complètement révolue. Mais les attentats ont un peu refroidi les chauds lapins. La nuit il fait maintenant désert à l’ombre du palmier en zinc.
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    Désert aussi le jour pour raisons contraires. C’est le Ramadan qui frappe.
    Tout le monde s’économise dans la pénombre ou à la climatisation.
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    La plage de la siesta, bondée il y a quelques jours encore, a cessé de jeter ses enfants sous les roues des 4×4.

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    Elle est totalement vide, et presque propre. Livrée au vent qui mêle le sable rouge au sable blanc de la mer bleue et emporte avec lui les derniers détritus. Même les vendeuses de Khat ont pris le rythme. Elles ne sortent plus qu’à la tombée de la nuit, comme des spectres dans les phares des voitures. Dans le Khamsin, leurs voiles ont des allures de feuilles mortes soulevées par l’automne.

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    Au-delà du rond point de Tokyo, le plateau du serpent love ses rails le long des quais. Le souvenir d’un train qui ne viendra plus. seuls des Afars ébouriffés égarés errent encore hagards dans la gare abandonnée. Les chinois en ont construit une nouvelle en dehors de la ville, loin du centre.

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    Un peu plus loin la croix de Lorraine perd pied. Elle s’efface par le bas ce qui n’estompera pas pour autant le souvenir des colonies. Bon pour les uns, mauvais pour les autres comme à chaque fois.

    Déserte aussi la plage du Héron. Les deux pieds dans un sable trop chaud, la tête dans un soleil trop haut, le bec tendu vers une mer trop basse. Les mêmes bateaux sont toujours là dans le port voisin, échoués peut-être ou fondant le métal de leur coque dans les vagues tièdes de la baie.

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    A Ambouli, le boiteux veille sur la voie ferrée. Véritable cordon ombilical de 85 millions d’Ethiopiens vers une mer inaccessible. 

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    Pendant ce temps les dromadaires sillonnent le bidon ville sous l’oeil rond des chèvres coprophages. Au milieu des ruines, autour des toukouls de fortune, des maisons gigantesques sont bâties à la chaine. 

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    Il paraitrait que la présidence va faire payer une taxe sur les terrains inhabités…probablement pas l’unique raison de tous ces chantiers. Voila qui sent le blanchiment d’un argent salement gagné. Celui de la piraterie ? peut-être bien.

    Dans les quartiers perdus, lorsqu’on arrive là où le goudron refuse d’aller, un peu plus d’agitation sur les routes défoncées. Des enfants surtout, jeunes qui ne jeunent pas, courent au milieu des poubelles débordantes éventrées. Ils s’enfuient en riant devant la voiture, sous l’oeil rutilant des mosquées. Allah et le président sont bien logés au djiboutland.

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    De temps en temps des barbus immaculés avachis dans l’ombre jettent un oeil islamiste à cette chevrolet suppôt de l’occident qui vient troubler leur disette. Heureusement que le Shaytan hirsute qui tient le volant à la barbe courtoise. Un salut de la main, un sourire, allez ça va tu peux y aller Infidèle.
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     Retour au centre ville par la piste. L’ancienne place du marché maintenant gare routière et son minaret ventru.
    Un grain de beauté au milieu des verrues.
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    Et disséminés un peu partout des vestiges de bâtiments qui furent beau.
    Djibouti, entre bidonville et ruines habitées. Une ville nomade quoi.
    Après ces images, il est bon de le rappeler:

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    Un peu plus haut sur la place Menelik, les taxis bercent leur chauffeurs dans la fraicheur relative d’une ombre timide.
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    Le restaurant « la chaumière » ravagé par l’attentat de mai 2014 a été reconstruit.
    On y mange à nouveau très bien, un oeil sur la porte d’entrée, les fesses serrées.
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    Enfin la place des banques et ça se voit. Les décorations de Noel sont toujours là.
    A quoi servirait de les enlever, Noel va revenir.
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    Au large l'ile de Moucha est abandonnée dans une brume de sable grumeleux.

    Le ponton giflé par les vagues a replié son bras au sec.
    Transats et fauteuils ont transhumé vers les abris. On accoste en se mouillant les pattes dans une soupe servie à la température l’air.

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    Sur la plage, les taus ont été arrachés et flottent déchirés comme des étendards de champ de bataille à la fin des combats. Ils ont été battus par le vent. Les parasols ont ébouriffé leur palme. A leurs pieds les jeux d’enfants sont renversés. Le sable s’accumule contre les murs en petites dunes régulieres. L’éolienne du lagon bleu a baissé les armes. L’ile reprend ses droits.
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    Au milieu des caisses de St Georges, il ne reste plus que de mous chats et le fantôme de Monfreid, qui trinquent ensemble à la défaite saisonnière de l’homme.
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    Retour mérité à la vie sauvage pour un endroit à préserver.

    Allez rentrons.

  • Amarres tombales

    Souvenir de la dernière nomadisation marine dans le golfe de Tadjourah, République de Djibouti avril 2015

    Deli Valetta, fameux esquif nous voilà.
    A bord un equipage de revenants, partis, rentrants, expats futurs empatriés venus voir l’écume.
    Celle que soulève ta proue, qui déferle le long de ta coque sans bruit.
    Venus sentir encore le vent du large sur leurs visages salés, profiter encore des rayons d’un soleil noir sur leurs peaux blanches, ensabler encore quelques souvenirs du sud dans leurs mémoires du nord.
    De quoi buriner l'âme et fuire encore un peu plus loin avant de rentrer…rentrer…rentrer…bon sang de boutre.

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    Obock, de l’autre côté du golfe de Tadjourah, en pays Afar. Le nord de Djibouti.
    La côte est belle par là bas aussi, sauvage pour ses naufragés, hostile pour les égarés.
    Obock, le rêve français d’une capitale djiboutienne. Premier comptoir colonial déchu depuis longtemps.

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    Ne persistent contre sable, vent de mer et désert que quelques maisons blanches et un dispensaire tenu par une soeur.
    Les conflits internes encore récents n'ont pas faciliter le développement local.
    Obock c'est aussi la dernière demeure de quelques militaires français.
    Les deux annexes nous déposent dans le cimetière marin pour leur rendre visite.

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    Ici reposent côte à côte marsouins et légionnaires.
    Sous leurs dalles immaculées de chaux, ils n’en finissent plus de sentir le sable chaud.
    Depuis l'an zéro du millénaire, leur dernière demeure a été révisitée.
    La grande croix noire qui leur faisait de l'ombre n'est plus et le métal commémoratif rappelant leur identité a disparu.

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    (le même cimetière en 2000)
    Remplacé par un panneau plastifié dont la vitre a été cassée par quelques esprits iconoclastes de passage.
    Soldats oubliés devenus inconnus. Sans arche ni flamme.
    Ici aussi on fait des misères aux défunts.
    Quand le manque de savoir vivre ne concerne pas que les morts, n’est-ce pas un peu de l’humanité qui meurt aussi ?
    Un pas plus loin dans le soleil couchant le campement de la Mer Rouge au beau milieu du rien environnant.
    Et c’est pour ça que c’est beau. Un panorama ultramarin magnifique.

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    Retour au Deli.
    Des reflets de brasero dans le dos, tandis que devant nous au dessus du phare du Ras bir, la nuit hisse son drapeau pirate, signal de l’abordage.

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    Les astres grimpent aux haubans des voiles d'Obock.
    Un vent marin, chaud comme le fut d’un canon de sabord corsaire qui a lâché sa bordée, ventile le mouillage.
    Touchée en plein cœur, une lune à l’emporte pièce ensanglante la nuit.
    Elle montre à tous les chats gris comment faire le dos rond, se hisse au dessus des toits de la ville fantomatique, et meurt en montant de tout son poids appesanti dans l’océan nocturne.


    Un silence chaud et humide remporte une victoire sans quartier sur le pont.
    Empêchant le sommeil mais propice aux songes.

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    Les heures d’éveil ont cet avantage qu’elles permettent des clichés improbables.
    L’éternelle appartenance du monde à ceux qui ne dorment pas.
    Insomniante addiction.
    Le lendemain, départ en compagnie d’une section de marsouins, bien vivants ceux-là.
    Ils restent de longues minutes à jouer dans les vagues autour du bateau.
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    A la troisième heure de navigation le Deli créa les sables blancs, sous un ciel gris, au dessus d’un tombant bleu.
    Apesanteur du bateau au dessus du fond sablonneux 20 mètres plus bas, où vient se poser l’ancre.
    Au fond  de sa cuisine le cuisto cent fois sur son métier microscopique remet son ouvrage avec succès.
    Diabolique artiste culinaire oeuvrant dans une chaleur infernale.
    Avec ses mains d'accoucheurs, l’homme fait naitre des fourneaux au feu de bois des lasagnes fabuleuses qui ruissèlent de spaghettis bolognaises et s’enchainent au carpaccio de bonite le tout sur fond de farandole de crudités, pain perdu et choux savoureux.
    Unique potée Afar en forme de blues culinaire dont la partition se joue sur le piano d’une cuisine aussi grande qu’une boite de conserve.

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    Une nouvelle nuit blanche aux sables bleus, sous une lune afar au regard pleinement hagard avant le départ.
    Profitons jusqu’au bout du bout de la dernière seconde de l’ultime minute de l’heure terminale où le soleil signera de son rayon déclinant l’ordre d’achever le périple.
    Nous voilà rattraper par l’autorité solaire.
    Menottes aux poignets, chaines aux pieds, jetés à fond de cale, l’horloge du temps nous pousse vers l’échafaud du retour.
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    Les vertèbres de la coque craquent sous les vagues, l’esquif se paralyse contre le quai.
    Dernier soubresaut du moteur.
    Dans le port de Djibouti git le Deli, ici périt notre escapade.
    Sous les amarres tombales du bord va maintenant reposer en paix dans nos souvenirs le « Horn of Africa dive club », avec cette épitaphe: « Allez rentrons »
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  • Nomade des mots

    République de Djibouti, désert du Gaggadé le 12 mars 2014

    Saint Exupéry, Flaubert, Dumas, Coelho
    Tous s'y sont brulés les sens
    Le désert
    Un nom comme un courant d’air
    A l’appel duquel le poète s'arrête
    Néant climatique où germe l’envolée
    Graine inspiratrice mi lyrique, mystique
    Aparté entre parenthèse poétique
    Cri vain écrit au panorama
    Qu'un soleil ardent rend liquide
    Mots épanchés sur feuille brulante
    Avant l'oubli de l'évaporation
    Versés pour assoiffé de l'oeil
    Affaire à saisir pour âme à l’écoute
    Oreilles à l’affût du silence
    Raconté par le sable que le temps tamise
    Les yeux écarquillés en son for intérieur
    L’homme respire l’erg qui s’exprime et l’inspire
    Il devient un conteur, un poète, un nomade des mots.

    Grand bara