Arcimboldodejuin

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  • Des souvenirs Masaï

    Emergeant de la canopée goudron

    Le viaduc béton toise la vallée minière

    Arachnide asphalte à la toile ruisselant de fer

    Où s’accroche un brouillard comme un cancer au poumon

    Dans la mémoire étriquée du rétroviseur plastique

    Des volutes souvenirs Masaï 

    Par delà le vent de sel des dunes autoroutes 

    Filtrant dans la forêt pas vierge des pylônes électriques 

    Loin vers l’Est un soleil savane dissipe des hyènes de brume

    Ces cabots météo aux basques de la fourmilière

    Lévriers efflanqués aux trousses des retardataires

    Qu’un revers de main solaire évapore et consume

  • La machine à remonter l'enfance

    Ressac du printemps qui revient

    Etanche d’embruns méditerranéens

    Les lèvres immaculées du gisant d’albâtre

    Dont le cœur d’hiver a cessé de battre

    Susurre lui à l’oreille d’autres latitudes

    L’accent murmure des pinèdes du sud

    Rappelle lui l’écho cristallin des rires adolescents

    Dévalant la caillasse des pierriers, insouciants

    Bondissant des genêts de restanque

    Roulant dans les bruyères des calanques

    Gamins des garrigues s'écrivant des histoires à l’encre térébenthine

    Assis sur les blancs bancs calcaires ensoleillés des cimes

    Prenant récréation face au grand tableau bleu que l'horizon dessine

    Les minots lumineux de l’école espigau tous tachetés de soleil

    Avec les joues qui peguent aux confitures des tartines, à moins que ce soit la résine ou la salsepareille

    Desserre ces doigts crispés sur la poitrine de marbre

    Redonne quelques couleurs à ce masque macabre

    Dis lui encore les beaux souvenirs, qu’ils brisent son silence

    Que vibre dans ta voix le doux moteur de la machine à remonter l'enfance

    Le son du vieux vinyle, crachotis gramophone

    Grésillement de cigale dans sa poitrine d’homme

    Rappelle lui les cyprès d’aussi loin que porte ta mémoire

    La torpeur des étés sous un ciel miroir

    Où s’évaporent lavandes en sol et cades genévriers

    Conte les hautes herbes, les buis, l’azur des oliviers,

    Le sang veineux des tomettes, l’hululement des chouettes, 

    l’iode des mouettes, 

    L’ombre en poudre d’escampette,

    L’or sourcier des garrigues arides

    Et son caniard avide qui burine les rides

    Le roulement du tonnerre d’aout

    qui ne donnera aucune goutte

    Orages secs à punir les bossus

    Ce Païsse est sans eau alors ne compte pas dessus

    La terre rouge des pots sans plume, 

    Les vignes vierges des tonnelles forgées dans le midi de l’enclume,

    Le cri perdu des hirondelles, leur nid sous les tuiles

    Les navettes, les calissons, les pompes à l’huile

    Le lichen des chênes verts, liège et l’amadou sous la paume

    L’arôme graminé dont l’herbe coupée embaume

    La fraîcheur des Baumes sombres des bois caniculaires

    L’argile du sol craquelé sous les mains du brasier solaire

    Le chuchoti des grillons dans les mûres des champs abandonnés 

    Les vieux lierres des vieux murs des sentiers égarés 

    Le mimosa, les pins parasols alanguis sous l’été

    Le battement régulier du cœur diesel

    Des pointus de bois flotté

    Glissant sans plis dans l’aube pastel

    Trainant gabians en palanquée à la criée 

    La Méditerranée qui fait tous les bleus pour les yeux

    Et frissonne en reflets argentés quand Mistral et Meltem l’escagassent un peu

    Parle lui de la voilure centenaire des marronniers démesurés 

    Des haubans d’écorce où les enfants s’attachent mains et pieds

    De l’heure où la lumière rosée efface les minutes des cadrans solaires

    Où l’éreintante étreinte de la brûlure du jour se desserre

    Alors vient le coassement des grenouilles dans la pénombre des cours d’eau assoupis

    Le clapotis noctambule des fontaines aux placettes villageoises à minuit 

    La douce paix nocturne scandée aux villages des clochers endormis

    Verse enfin sur ces lèvres bleuies

    Un peu de l’élixir qui redonne la vie

    L’arôme distillé du pays sur l’alambic des bergers

    Senteur des collines, thym, romarin, laurier, paturin 

    Qui instille les souvenirs d’Arcimboldodejuin

  • Cornemuse bruyère

    Un Eire biniou court sur la lande

    Le long des pierres dressées aux lichens calleux

    Dans les sentiers douaniers des cotes escarpées

    Dominées de dolmens aux triskels ridés

    Sous une bruine battante à faire palir la tourbe

    Une silhouette cornemuse debout dans les bruyères

    Haut sur les falaises arquées contre les vents de mer

    Expire un crachin chair de poule, contre vents et marées

    L’âme de fond, entonnée entre éclairs et tonnerre

    D’un tartan vert patrick, en kilt irlandais

    Ranime les spectres de brume aux penchants naufrageurs

    Les écueils de varech sous l’écume Kilkenny

    La pinte de l’océan contre le ring Kerry 

  • L'Air mitral

    Un froid saumoné embrase les cimes

    Insoupçonnable rose des sables blancs flamboyant dans un soleil couchant

    Fait vibrer la Voie lactée givrée où des astres de flocons scintillent inutilement 

    Cette neige sucrée de glace fait crisser sur les crêtes un air mitral 

    Une mélodie qui souffle au cœur une nostalgie dans la poitrine

    Une berceuse pour que les mélèzes allongent leur ombre

    Sur un vison immaculé d’une piste aux étoiles désargentées 

    Où le temps semble s’être lui aussi figé 

    Sans trace, sans ride, sans âge, sans la grouillante civilisation

    Pourvu que ça ne soit pas la mélopée d’un monde en voie de disparition

  • Vers d'hiver

    Poème dix vers

    Au diable le linceul gris du ciel d’hiver

    Pied au plancher de mon tombeau ouvert

    J’ai vu le ciel croque mort mordre la poussière

    Ce matin dans le rétro de mon cheval de fer

    Sur la cote des vendanges tardives, enfin la lumière

    Le jupon bleu écarlate de la belle bergère

    Semant de nuageux moutons pour le grand Patre solaire

    Pastorale pastel éphémère

    Revoilà le brouillard, le gel, l’hiver

  • Lorraine

    Lorraine est une femme battue

    Hantant une lande éventrée de labours boueux,

    Parcourue d’ogre Haut fourneau aux pieds de mine

    Elle ouvre ses paupières matinales sur des aurores ecchymoses

    Où des yeux au bleu délavé à coup de trique climatique

    Contemplent à perte de vue l’horizon hématique

    Scarifiée de village rue dont les brancards béton

    Charrient des spectres de gueules noires qui furent aussi cassées

    Saignée aux quatre veines de charbon de bois de fer

    Il ne faut pas se mentir sa vie est un enfer

    Où se pansent des blessures Maginot pas imaginaires.

  • Croute de sel et nasse de givre

    Sous son revêtement luisant le gel s’enlace un ruban de route

    Son cristal crisse sous sa croute de sel quand il l’embrasse 

    Loin devant les yeux des feux stop zigzaguent leurs traces

    Balises en détresse d’artifice glissant de place en place

    Jusqu’à se prendre en masse dans un brouillard en nasse

    Du bitume en croûte de glace

    Le menu de l'hiver au petit déjeuner

    Où gît l'autoroute givrée

    Un sorbet dans la gueule façon gibier

    une main bleuie que le froid a gantée 

    L'a prise par le colbac et l'a violentée

    Lui secouant l'asphalte en débris frigorés

    Son dernier souffle éteint en nuage bleuté 

    Elle est allongée dans les étendues gelées 

    Moribond enrobé glacialement mortifié

    Tant pis pour les égarés malheur aux naufragés 

    Les forêts se sont tues, l'asphalte est pétrifié 

  • Meules sarabandes

    J’ai pris la clé des champs sous le paillasson de goudron

    Franchissant les bosquets fuguant dans les sentiers

    Bondissant de bocages en amont des futaies

    Je suis tombé sur des meules ébouriffées sur l’horizon

    Un vent joueur semait leurs fétus 

    Chef d’orchestre végétal droites dans leurs bottes de paille

    Au beau milieu d’une farandole épouvantail 

    Elles jouaient la valse de la substantifique moelle

    Faisant fi de ce foin une liane m’a pris les mains

    On a ri, chanté et dansé à tue tête

    Une pastorale d’herbes, de Faunes, de bêtes

    Mâchonnant des brins d’elles

    On s’est roulé dans les sauterelles

    Au crépuscule des nuées j’étais devenu Peul

    Humant l’amère mélange des sarabandes de meules

    Dans les vapeurs ambrées d’une rosée du soir

    Assis dans les prés, étendus sous les astres

    A ne surtout pas parler, nous écoutant nous taire

    Eperdus sous le silence lacté des millénaires

    Poète point égaré, au contraire à sa place

    Conteur des herbacées, sans un sou et sans piastre