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Du vent dans les palmes
- Par arcimboldodejuin
- Le 29/10/2022
- Dans Voyages
Il est trois grammes moins le quart à l'apéritif de ma terrasse en bois tropical.
Les mains prises par mon petit verre de rosé, je m'écris une bafouille du front.
La nuit s'approche bruissant d'une vie grenouillère inimaginée pourtant réelle.
Le ciel va se répandre en galaxies infinies sur sa méridienne équatoriale.
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Khamsin
- Par arcimboldodejuin
- Le 07/06/2022
J’écris ces lignes pour la cinquantième fois
C’est normal, on comprendra pourquoi
Khamsin, la cinquantaine en langue d’orient
Mais aussi le nom du vent de sable qui balaye la corne de l’Afrique au début de la saison chaude
Le grand abrasif terrestre qui sévit cinquante jours durant au pays du grand brasier solaire
Et quand il s’y met, on y voit goutte ce qui n’est pas étonnant pour une contrée désertique
Il ronge le métal, érode la roche, pulvérise l’asphalte et recouvre les pistes chamelières millénaires
Il estompe toute trace sauf les rides
Il les ravine aux visages des hommes car jamais n’arrête le temps qui passe
Et sous les flammes des camps nomades qu’il étouffe il n’en finit pas d’attiser des braises de mémoire
Eparpillant au passage une cendre plus sel que poivre aux bacchantes de ses victimes
L’Afrique une fois de plus il aura encore fallu que je commence par là
Continent infernal aux peuplades bantous où l’on a cru devoir porter la science coute que coute
A coup de souvenirs, de légendes familiales ou contées ou vécues ou vues ou lues, de formation en déformation professionnelle, et même en chansons
Elle me colle à l’âme et tatoue mon génome en filigrane
Il doit y avoir en moi quelques tribus de ribosomes scarifiés, qui dansent autour du feu quand ils ne suivent pas une méharée de rêve guidés par la croix du sud sur une piste oubliée vers le rendez-vous d’Essendilène.
Khamsin donc, toujours la cinquantaine en langue d’orient
Le nombre d’année qui me sépare maintenant du point de départ. 50 années à gravir la montagne aux Ecritures.
Comme l’impression d’arriver au sommet de l’ascension d’une vie. Voilà qui fait penser à la descente.
La grande rando à sens unique que l’on fait d’une seule traite, sans personne à l’arrivée pour te ramener au départ. C’est ballot. On est bien là haut. Faut juste s’en rendre compte. Sinon s’en souvenir.
A moins de croire dans la réincarnation, mais si c’est pour devoir refaire le chemin en pangolin, chiroptère, journaliste ou tout autre rampant sans pattes, je dis non. Et puis je souhaiterais croiser les mêmes gens. Faudrait que tout le monde se réincarne en même temps, voilà qui compliquerait le processus.
Mais s’assoir dans le fauteuil et recommencer la projection en homme, ça je veux bien. Rembobiner le film. La lumière vacillante du vieux projecteur. L’asthme de son ventilateur. La pellicule qui tremblote sur l’écran de drap tendu aux portes d’une veille armoire provençale, dans la pénombre fraiche d’une maison de campagne en été. Les images saccadées du passé. Tous ces souvenirs écoulés dans le sablier de la mémoire. Même pas le temps de se demander ce qu’il s’est passé. La punition de toujours vouloir anticiper demain.
Rembobiner la bande son aussi. Les voix des parents, les rires des enfants et des amis, les mots de tendresse, les belles chansons, les mélodies morricones inoubliables qui raniment les souvenirs et font naitre de grands sentiments, les battements de cœur de ma moitié la tête sur sa poitrine. Et tous ces autres bruits de vie qui butine : l’eau qui coule sur les rochers des torrents, les poignées de vague dans le sable, la brise dans les feuilles, les clochettes de ris contre les mats des bateaux à l’amarre, la neige qui crisse sous les pieds, le grincement des vieux volets de bois d’un mas isolé que l’on ouvre dans l’aube estivale , les cigales des aurores et grillons des veillées, les pignes qui claquent dans les feux de cheminée, le bruissement d’une abeille dans les lavandes, un rouge-gorge la nuit, le vent des mélèzes. Se rappeler aussi le sang aux tempes et le souffle court de l’effort physique et le silence trop souvent bafoué, compagnon des coins égarés et ciels étoilés, ami des esprits perdus dans leurs pensées, respiration des musiques suspendues, cistercien des vieilles pierres, blanc des flocons qui tombent.
Je ne regrette rien. Je n’aurais pu faire d’autres choix que ceux que j’ai fait au moment ou il fallait les faire. Je n’aurais pas pu trouver famille plus aimante, épouse plus bienveillante et attentionnée, Elle et mes enfant sont nouées à mon cœur pour toujours.Alors tant pis si je suis vieux. Je vous aime de toutes mes années.
Je vais prendre toute la 16eme latitude nord de franchir ces cinquantièmes vieillissant en m’accrochant aux branches de la rose des vents. Je prendrai le vol du premier alizé qui passe et vous emmènerai avec moi
Puisse-t-il nous déposer 7000 km vers l’Ouest.
Pour rattraper le soleil avant qu’il ne se couche.
Pour l’empêcher de s’endormir et de nous disparaître.
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Peau de plage
- Par arcimboldodejuin
- Le 19/04/2022
- Dans Voyages
Comme ne le dit aucun dicton
Tant va le printemps à l’eau qu’il faut prendre la tangente à Tanger
Question de survie morale.
A Orly au terminal des tropiques
On a pris l’exit dans un taxi diesel
Tacot mobile berbère du désert
On a roulé plein sud sans s’arrêter
Cravachant à plein poumon notre liberté
Toutes vitres ouvertes, dévorant la poussière du djebel à pleines dents
S’enivrant de goulées de piste à pleine moustache
On s’est fait la bielle jusqu’à la couler, loin
Au bout d’un lit d’oued perdu sous une couverture bleue ciel d’azurAinsi tarit la chevauchée, dans un fesh fesh de rêve
Le capot éventré du moteur surchauffé, fume ses dernières larmes puis sombre fissa fissa
On n’repartira p’tet jamais inch’allah alors on en profite un chouïa
Une belle pause dans le bac à dunes du grand erg saharien
Assis sur le cuir d’une peau de plage à l’infini dentelle
A caresser le grain fin de l’épiderme sable
Un lieu que l’eau a déserté, ou les palmiers sont évaporés
La vit le marchand de rêve en indigo gandoura
Sous un chèche sang tamarin il distribue des panomirages à perte de vue
Dans le gazouillis d’un thé menthe versé cent fois, il fait naitre les hallucinations tant recherchées
Ma dope à mine de crayon
Alors s’en va courir la plume
Sur des vagues d’horizon qui donnent le mal d’éphémère
Celui d’un paysage mouvant
Où ne chemine que le vent
Il dessine des arabesques légères dans cette poudre d’océan targuie
Tapis dans un silence d’orient nous ne pouvons que l’effleurer
Derrière le moucharabieh de nos vies, il y a au Sahara un monde d’éternité qui nous est interdit
Damné pays des djinns que les vivants ne peuvent qu’appréhender -
Honni soit qui palissandre
- Par arcimboldodejuin
- Le 01/12/2021
Do au Sol
De mon Fa Ré
Que j’ai Mi Si ou La
J’ai perdu la fréquence du monde
Grattant les cordes à scier
Du manche en cèdre
De ma guitare en Herbe
Au soleil allongé sur des branches
D’une terrasse de rêves en mélèze
J’abandonne ma grammaire rudimentaire
Pour faire le serment de vigne
Noueux comme un pied de guerre
Celui de chanter tambour battant
A tue tête de bâtons rompus
Quelques romances en copeaux
Pour nos potos des vieux rameaux
Laisser le naturel revenir au galop
Faire feu de toute foi,
En des croissances de végétaux seulement je crois
Célébrer Ovangkol sapele koa
Divinités Végétales pour animistes aux abois
Balancer quelques couplets de pignes
Pour mettre des machines en sourdine
Ne plus carburer qu’a l’encens des essences de bois
Ecouter le chant des sommets et le souffle des forêts
Fredonner leur Rime en écho dans les vallées
Puis se jeter un peu de sciure aux yeux
Pour faire la sourde autruche
Car il ne faut pas se leurrer
Tout ça n’ira pas loin et l’on n’y changera rien
Alors souche, brindilles, sarments, cerneaux et autres végétaux
Dormez comme les bûches que vous êtes
L’humanité gazoline exsanguine l’atmosphère
Son avenir lui est prédit sur papier carbone
Entre 4 planches 6 pieds sous terre, elle aura 10 bonnes raisons de se taire
Honni soit qui palissandre, sera l’épitaphe de ces vertes syllabes qui finiront en cendre
Car déjà ma peau s’écorce
Je sens des veines d’érable parcourir mon aubier et mon cœur duramen d’ebenier.
Cyprès soit on de la fin, je ne buis oublier que sycomore un jour je fus et peut-être encore serai.
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Cassiopée reine éthiopique
- Par arcimboldodejuin
- Le 10/07/2021
Encore un souvenir étincelle
Sur l’autoroute Moselle
Au détour d’un regard fugace
Sur les bords du bitume crasse
Une envolée de poussière sur un chemin de terre
Qu’emprunte matinale une lumière buissonnière
Met le feu aux poudres de la mémoire
Coffre fort des instants passés dérisoires
Agglomère mille éclats d'incandescence
En un instant détonant de silence
Derrière la pluie des éclats retombant
Loin au-delà du pare brise mosellan
L’image floue d’une latérite éthiopique
Où Cassiopée marchait sous son ombrelle tropique
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Singe d'une nuit hantée
- Par arcimboldodejuin
- Le 25/06/2021
Vendredi de juin on s’autorise un peu de vie de sauvage
Au moins sur la page
Tourner la clé de sol dans la ferrure des pâturages
Se mêler aux dos argentés du blé mûrissant
Prendre la tête du clan des bacchantes des champs
Qu’on aperçoit par la portière
Et qu’une houle céréalière dessine dans l’imagination
Enfin nu comme un ver, libérer cette dernière
Courir dans les ornières aux trousses des simiesques chimères
Prendre les arbres dans les bras en tenue d’Adam d’Ève
Rugir comme une bête son propre Yawp barbare de revanche
Epoumoner l’épique cri des épis gris accroché aux branches
Se frotter à la vie comme à l’écorce et pourquoi pas s’y fondre en devenant le bestial animal naturomorphe
L’hominidé graminé
Involution au crépuscule des hommes
Qui va s’évanouir, pour disparaître peut-être
Devenir le fantôme d’humanité deguingandé
Grand singe d’une nuit hantée
Dont on voit la silhouette bancale
Dodelinée sous la lune spectrale
Se balançant à rebours des labours
Remontant les ruisseaux à contre cours
Tout le long de la nuit civilisée
Puis au matin épuisé d’avoir trop rêvé
Chancelant a l’heure du coq égosillé
L’air de rien, ne devient que du vent
La brise aux mille appellations
Sirop de sirocco
Grenadine de Khamsin
Huile essentielle de ponant
Grand Harmattan de Vendavel
Qui alanguit la peau
S’évanouit au soleil
Ne laissant qu’une empreinte d’arome
Sur la couche épiderme
Estivale essence évanescente éphémère et légère
Dis Giuseppe, tu sens ce vent tiède qui nous court dans le dos ?
C’est l’haleine de juin, le souffle d’Arcimboldo
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Le risque de vivre
- Par arcimboldodejuin
- Le 23/05/2021
Je vais bien. Mais voilà.
Plus d’un an à regarder danser la farandole des fous
Le tintamarre d’une foule montée sur ses ergots de seigle de Saint Guy
Se rendant au bal masqué des cinglés, les yeux bandés
Le paradoxal concept anti-social d’une société distanciée, dont le crédo fait rêver:
- Vivre ensemble dans un confinement séparé
- Se sourire sans le voir, l’imaginer pour le dessiner
- Se rencontrer sans s’approcher
- Bavarder sans s’entendre derrière des bavoirs et surtout pas trop tard le soir
- Enfanter sans se toucher
Comment vivre au milieu des bernés par le phantasme d’une vie aseptisée vers l’immortalité ?
Car le problème est bien celui là : se projeter dans ce monde idéal
Un monde data désinfox perdu en communication de dédale
Un univers dealé pour se shooter les yeux écrans ouverts
Tu veux ta dose ? allume ta télé mortifère…
Vas-y click click click ta dope médiatique sur appli numérique
Pas possible. Surtout ne pas adhérer.
Il y a tellement d’autres façons de mourir que je choisis de risquer de vivre.
C’est décidé.
Même si cette vie doit être plus courte.
Même si je ne dois jamais devenir un vénérable vulnérable.
Se cacher, rester à cultiver son propre jardin, si possible secret, plus que jamais
à l’écart d’une civilisation qui a reniée mon humanité
Et ses souvenirs, et sa mémoire, et son passé
J’irai faire la bombe dans le bassin morbide de cette société que la peur a sclérosée.
Et à sa barbe, des pieds de nez d’éclaboussures vitales par millier
Pour les plus téméraires, vous saurez où me trouver
Pour les autres, évitez-moi je risquerais de vous embrasser
Et je suis peut être contagieux...
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La chasse aux nouvelles
- Par arcimboldodejuin
- Le 17/12/2020
J’ai ouvert ma boîte aux nouvelles
Que j’avais remisée depuis des mois à la poubelle
Entrebâillant le couvercle, j'ai lu trois d’entre elles
A la une: "97% des personnes infectées ne meurent pas du virus", on peut se réjouir pour elles
Météo des plages: "97% des personnes n’ont pas attrapé le virus. Sortez les planches, sortez les masques, ça va farter, ça va surfer, les vagues n’ont pas fini de déferler. N’oubliez pas la crème solaire et les solutions hydro-alcooliques, en gel"
Rubrique des chiens écrasés: "dans quelques semaines 270 millions d’humains connaitront la famine. Ils seront quatre fois plus nombreux que ceux qui auront croisé le virus. Ils n’auront d’ailleurs peut-être pas le temps de le rencontrer. Ne les plaignons pas, leur vie n’aura pas manqué de sel."
Nauséeux j’ai refermé ma boîte aux nouvelles.
J’ai mis de la distanciation entre moi et elle.
Puis j’ai soulevé la lunette.
Je l’ai posée dans la cuvette.
Comme elle était bien à sa place
J’ai tiré la chasse.