Arcimboldodejuin

Voyages

  • Les Oiseaux Beaux de l'Air

    On a sabordé le sentier de la pointe Laborde

    Aux abords de l’anse sans âge du même nom

    Encore une sale histoire de corsaire moco

    Dégringolant la caille du Trou à Man Lwi

  • Café métis

    Entre guitare et kora

    Clairs accords pianos et country roots harmonica

    En tête à tête avec un soleil levant de plus

    La lumière rasante dansante sur la peau ébouriffée

  • Samaras Calibishie

    J'ai posé mes samaras dans le sable Calibishie de Baptist Bay

    Mi blanc mi noir, comme une côte Est de frangine indies

  • Pointe sable de Bar

    Dans décennie de ça

    Quand de retour continent

    On souviendra Gwada

    Je reverrai l'anse Gris-Gris

    Celle des marabouts pêcheurs de pélicans

  • Adan dot Soley

    5h15 au compteur en plastoc du fil à la patte

    22 degrés au mercure en toque du carrosse de fer

    On va faire la peau à tous ces suppôts d'hydrocarbure civilisé

  • Volcan en Faye

    Douze heures moins treize font moins un.

    Maintenant nous remontons le temps dans le palmier zingué de la masure cyclonique.

    Un zest d'alchimie, une petite friction à la pierre philosophale de préférence volcanique c'est mieux pour la peau.

  • Maudit corsaire varech

    Deux plus quatre qui font neuf heures moins treize

    On a peut-être perdu le nord mais pas le regard sur la ligne d'horizon

    Et l'horizon ici il défile

  • Krayon Kréyol

    Cinquante et une heure moins quarante huit, dans le branchage d'une forêt primaire d'équateur.

    Bondissant simiesque de ravines blanches en morne rouge.

    Dégringolant de savanes mulet en porte d'enfer à l'odeur de soufre reptile.

    Sautant d'Acomat en cascade bis via canyon moustique.

  • La deuch verte ballade

    Quand je serai guitariste dans des milliers d'années

    J'aurai une voiture pas banale, à deux balles

    Que je conduirai en sandales

    Boite à savon pot de yaourt à pédales

    Méhari à gorge déployée pour méharée à tombeau ouvert

  • L'histoire d'une parenthèse

    Auteur pas bien haut mais pas mal élevé, con positeur peut-être en tout cas sans position politique ça ne fait pas doute.

    Juste témoin du monde et de l'homme coupable jusqu' à preuve du contraire.

  • Gwadàlaloupe

    8 mois plus tard dans le palmier en zinc de l'ile équatoriale qui n'en compte aucun.

    Le temps s'écoule dans une moiteur d'alambic.

  • Wagons de rêves

    7 mois plus tard sur la terrasse en bois de la masure anticyclone.

    Depuis que les leptospires des chemins de fer ont pris l’assaut de mon foie ferroviaire

    j’ai un peu plus de Gwada en moi, c’est certain.

    Et des retards de wagons de rêves à rattraper.

  • L'Hymne de tous les Robinsons

    Quatre mois plus tard sur la terrasse en bois de la masure anti-cyclone.

    L’heure est venue d’aller faire les yeux fous à la Marie galamment assise de l’autre côté du chenal guadeloupéen et que l'on aperçoit à intervalle régulier toute allongée alanguie dans les vagues transparentes de l'archibel archipel.

    Après 45 minutes de traversée bien frappée comme un café Chaulet, nous voilà bien arrangés comme le rhum, et pour les braves inconscients du pont bien trempés comme une soupe.

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  • Qu'aux Saintes n'y touche !

    Aux Saintes, on sait bien faire le planteur. Mais attention ça n'est pas une boisson de pleutre.

    De toutes façons le pleutreur n'existe pas. Pourquoi ?

    Tout simplement parce que le pleutre ne pousse pas dans les champs. Tout au plus se cache-t-il dans la canne. Bref.

    Il est 5 grammes de rhum blanc moins dix à l’apéritif en bois tropical du ponton qui ne mène à rien sauf à la mer devant lui.

    Dans le désordre pourtant sans contrepèterie de la fin d’après midi, le rhum tabasse ses victimes.

  • Du vent dans les palmes

    Il est trois grammes moins le quart à l'apéritif de ma terrasse en bois tropical.

    Les mains prises par mon petit verre de rosé, je m'écris une bafouille du front.

    La nuit s'approche bruissant d'une vie grenouillère inimaginée pourtant réelle.

    Le ciel va se répandre en galaxies infinies sur sa méridienne équatoriale.

  • Khamsin

    J’écris ces lignes pour la cinquantième fois

    C’est normal, on comprendra pourquoi

    Khamsin, la cinquantaine en langue d’orient

    Mais aussi le nom du vent de sable qui balaye la corne de l’Afrique au début de la saison chaude

    Le grand abrasif terrestre qui sévit cinquante jours durant au pays du grand brasier solaire

    Et quand il s’y met, on y voit goutte ce qui n’est pas étonnant pour une contrée désertique

    Il ronge le métal, érode la roche, pulvérise l’asphalte et recouvre les pistes chamelières millénaires

    Il estompe toute trace sauf les rides

    Il les ravine aux visages des hommes car jamais n’arrête le temps qui passe

    Et sous les flammes des camps nomades qu’il étouffe il n’en finit pas d’attiser des braises de mémoire

    Eparpillant au passage une cendre plus sel que poivre aux bacchantes de ses victimes

    L’Afrique une fois de plus il aura encore fallu que je commence par là

    Continent infernal aux peuplades bantous où l’on a cru devoir porter la science coute que coute

    A coup de souvenirs, de légendes familiales ou contées ou vécues ou vues ou lues, de formation en déformation professionnelle, et même en chansons

    Elle me colle à l’âme et tatoue mon génome en filigrane

    Il doit y avoir en moi quelques tribus de ribosomes scarifiés, qui dansent autour du feu quand ils ne suivent pas une méharée de rêve guidés par la croix du sud sur une piste oubliée vers le rendez-vous d’Essendilène.

    Khamsin donc, toujours la cinquantaine en langue d’orient

    Le nombre d’année qui me sépare maintenant du point de départ. 50 années à gravir la montagne aux Ecritures.

    Comme l’impression d’arriver au sommet de l’ascension d’une vie. Voilà qui fait penser à la descente.

    La grande rando à sens unique que l’on fait d’une seule traite, sans personne à l’arrivée pour te ramener au départ. C’est ballot. On est bien là haut. Faut juste s’en rendre compte. Sinon s’en souvenir.

    A moins de croire dans la réincarnation, mais si c’est pour devoir refaire le chemin en pangolin, chiroptère, journaliste ou tout autre rampant sans pattes, je dis non. Et puis je souhaiterais croiser les mêmes gens. Faudrait que tout le monde se réincarne en même temps, voilà qui compliquerait le processus.

    Mais s’assoir dans le fauteuil et recommencer la projection en homme, ça je veux bien. Rembobiner le film. La lumière vacillante du vieux projecteur. L’asthme de son ventilateur. La pellicule qui tremblote sur l’écran de drap tendu aux portes d’une veille armoire provençale, dans la pénombre fraiche d’une maison de campagne en été.  Les images saccadées du passé. Tous ces souvenirs écoulés dans le sablier de la mémoire. Même pas le temps de se demander ce qu’il s’est passé. La punition de toujours vouloir anticiper demain.

    Rembobiner la bande son aussi. Les voix des parents, les rires des enfants et des amis, les mots de tendresse, les belles chansons, les mélodies morricones inoubliables qui raniment les souvenirs et font naitre de grands sentiments, les battements de cœur de ma moitié la tête sur sa poitrine. Et tous ces autres bruits de vie qui butine : l’eau qui coule sur les rochers des torrents, les poignées de vague dans le sable, la brise dans les feuilles, les clochettes de ris contre les mats des bateaux à l’amarre, la neige qui crisse sous les pieds, le grincement des vieux volets de bois d’un mas isolé que l’on ouvre dans l’aube estivale , les cigales des aurores et grillons des veillées, les pignes qui claquent dans les feux de cheminée, le bruissement d’une abeille dans les lavandes, un rouge-gorge la nuit, le vent des mélèzes. Se rappeler aussi le sang aux tempes et le souffle court de l’effort physique et le silence trop souvent bafoué, compagnon des coins égarés et ciels étoilés, ami des esprits perdus dans leurs pensées, respiration des musiques suspendues, cistercien des vieilles pierres, blanc des flocons qui tombent.

    Je ne regrette rien. Je n’aurais pu faire d’autres choix que ceux que j’ai fait au moment ou il fallait les faire. Je n’aurais pas pu trouver famille plus aimante, épouse plus bienveillante et attentionnée, Elle et mes enfant sont nouées à mon cœur pour toujours.Alors tant pis si je suis vieux. Je vous aime de toutes mes années.

    Je vais prendre toute la 16eme latitude nord de franchir ces cinquantièmes vieillissant en m’accrochant aux branches de la rose des vents. Je prendrai le vol du premier alizé qui passe et vous emmènerai avec moi

    Puisse-t-il nous déposer  7000 km vers l’Ouest.

    Pour rattraper le soleil avant qu’il ne se couche. 

    Pour l’empêcher de s’endormir et de nous disparaître.

  • Peau de plage

    Comme ne le dit aucun dicton
    Tant va le printemps à l’eau qu’il faut prendre la tangente à Tanger
    Question de survie morale.
    A Orly au terminal des tropiques
    On a pris l’exit dans un taxi diesel
    Tacot mobile berbère du désert
    On a roulé plein sud sans s’arrêter
    Cravachant à plein poumon notre liberté
    Toutes vitres ouvertes, dévorant la poussière du djebel à pleines dents
    S’enivrant de goulées de piste à pleine moustache
    On s’est fait la bielle jusqu’à la couler, loin
    Au bout d’un lit d’oued perdu sous une couverture bleue ciel d’azur

    Ainsi tarit la chevauchée, dans un fesh fesh de rêve
    Le capot éventré du moteur surchauffé, fume ses dernières larmes puis sombre fissa fissa
    On n’repartira p’tet jamais inch’allah alors on en profite un chouïa
    Une belle pause dans le bac à dunes du grand erg saharien
    Assis sur le cuir d’une peau de plage à l’infini dentelle
    A caresser le grain fin de l’épiderme sable
    Un lieu que l’eau a déserté, ou les palmiers sont évaporés
    La vit le marchand de rêve en indigo gandoura
    Sous un chèche sang tamarin il distribue des panomirages à perte de vue
    Dans le gazouillis d’un thé menthe versé cent fois, il fait naitre les hallucinations tant recherchées
    Ma dope à mine de crayon
    Alors s’en va courir la plume
    Sur des vagues d’horizon qui donnent le mal d’éphémère
    Celui d’un paysage mouvant
    Où ne chemine que le vent
    Il dessine des arabesques légères dans cette poudre d’océan targuie
    Tapis dans un silence d’orient nous ne pouvons que l’effleurer
    Derrière le moucharabieh de nos vies, il y a au Sahara un monde d’éternité qui nous est interdit
    Damné pays des djinns que les vivants ne peuvent qu’appréhender

  • Le risque de vivre

    Je vais bien. Mais voilà.

    Plus d’un an à regarder danser la farandole des fous

    Le tintamarre d’une foule montée sur ses ergots de seigle de Saint Guy

    Se rendant au bal masqué des cinglés, les yeux bandés

    Le paradoxal concept anti-social d’une société distanciée, dont le crédo fait rêver:

    - Vivre ensemble dans un confinement séparé

    - Se sourire sans le voir, l’imaginer pour le dessiner

    - Se rencontrer sans s’approcher

    - Bavarder sans s’entendre derrière des bavoirs et surtout pas trop tard le soir

    - Enfanter sans se toucher

     

    Comment vivre au milieu des bernés par le phantasme d’une vie aseptisée vers l’immortalité ?

    Car le problème est bien celui là : se projeter dans ce monde idéal

    Un monde data désinfox perdu en communication de dédale

    Un univers dealé pour se shooter les yeux écrans ouverts

    Tu veux ta dose ? allume ta télé mortifère…

    Vas-y click click click ta dope médiatique sur appli numérique

     

    Pas possible. Surtout ne pas adhérer.

    Il y a tellement d’autres façons de mourir que je choisis de risquer de vivre.

    C’est décidé.

    Même si cette vie doit être plus courte.

    Même si je ne dois jamais devenir un vénérable vulnérable.

    Se cacher, rester à cultiver son propre jardin, si possible secret, plus que jamais

    à l’écart d’une civilisation qui a reniée mon humanité

    Et ses souvenirs, et sa mémoire, et son passé

    J’irai faire la bombe dans le bassin morbide de cette société que la peur a sclérosée.

    Et à sa barbe, des pieds de nez d’éclaboussures vitales par millier

    Pour les plus téméraires, vous saurez où me trouver

    Pour les autres, évitez-moi je risquerais de vous embrasser

    Et je suis peut être contagieux...

  • La machine à remonter l'enfance

    Ressac du printemps qui revient

    Etanche d’embruns méditerranéens

    Les lèvres immaculées du gisant d’albâtre

    Dont le cœur d’hiver a cessé de battre

    Susurre lui à l’oreille d’autres latitudes

    L’accent murmure des pinèdes du sud

    Rappelle lui l’écho cristallin des rires adolescents

    Dévalant la caillasse des pierriers, insouciants

    Bondissant des genêts de restanque

    Roulant dans les bruyères des calanques

    Gamins des garrigues s'écrivant des histoires à l’encre térébenthine

    Assis sur les blancs bancs calcaires ensoleillés des cimes

    Prenant récréation face au grand tableau bleu que l'horizon dessine

    Les minots lumineux de l’école espigau tous tachetés de soleil

    Avec les joues qui peguent aux confitures des tartines, à moins que ce soit la résine ou la salsepareille

    Desserre ces doigts crispés sur la poitrine de marbre

    Redonne quelques couleurs à ce masque macabre

    Dis lui encore les beaux souvenirs, qu’ils brisent son silence

    Que vibre dans ta voix le doux moteur de la machine à remonter l'enfance

    Le son du vieux vinyle, crachotis gramophone

    Grésillement de cigale dans sa poitrine d’homme

    Rappelle lui les cyprès d’aussi loin que porte ta mémoire

    La torpeur des étés sous un ciel miroir

    Où s’évaporent lavandes en sol et cades genévriers

    Conte les hautes herbes, les buis, l’azur des oliviers,

    Le sang veineux des tomettes, l’hululement des chouettes, 

    l’iode des mouettes, 

    L’ombre en poudre d’escampette,

    L’or sourcier des garrigues arides

    Et son caniard avide qui burine les rides

    Le roulement du tonnerre d’aout

    qui ne donnera aucune goutte

    Orages secs à punir les bossus

    Ce Païsse est sans eau alors ne compte pas dessus

    La terre rouge des pots sans plume, 

    Les vignes vierges des tonnelles forgées dans le midi de l’enclume,

    Le cri perdu des hirondelles, leur nid sous les tuiles

    Les navettes, les calissons, les pompes à l’huile

    Le lichen des chênes verts, liège et l’amadou sous la paume

    L’arôme graminé dont l’herbe coupée embaume

    La fraîcheur des Baumes sombres des bois caniculaires

    L’argile du sol craquelé sous les mains du brasier solaire

    Le chuchoti des grillons dans les mûres des champs abandonnés 

    Les vieux lierres des vieux murs des sentiers égarés 

    Le mimosa, les pins parasols alanguis sous l’été

    Le battement régulier du cœur diesel

    Des pointus de bois flotté

    Glissant sans plis dans l’aube pastel

    Trainant gabians en palanquée à la criée 

    La Méditerranée qui fait tous les bleus pour les yeux

    Et frissonne en reflets argentés quand Mistral et Meltem l’escagassent un peu

    Parle lui de la voilure centenaire des marronniers démesurés 

    Des haubans d’écorce où les enfants s’attachent mains et pieds

    De l’heure où la lumière rosée efface les minutes des cadrans solaires

    Où l’éreintante étreinte de la brûlure du jour se desserre

    Alors vient le coassement des grenouilles dans la pénombre des cours d’eau assoupis

    Le clapotis noctambule des fontaines aux placettes villageoises à minuit 

    La douce paix nocturne scandée aux villages des clochers endormis

    Verse enfin sur ces lèvres bleuies

    Un peu de l’élixir qui redonne la vie

    L’arôme distillé du pays sur l’alambic des bergers

    Senteur des collines, thym, romarin, laurier, paturin 

    Qui instille les souvenirs d’Arcimboldodejuin

  • On a tué le temps

    Dans l'attente du retour, Djibouti aout 2015

    A l’image des caravanes de sel sur la toile d’un peintre inconnu, les jours se sont arrêtés au pays des droits de l’homme.

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    Dans le sablier de l’Est africain, la pendule du grand horloger est enrayée.
    Khamsinisée et lyophilisée comme le reste. Peut-être l’oeuvre de quelque déesse qui n’a pas envie que le mois du blanc s’achève…
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    Les djiboutiens qui voyaient arriver la fin du Ramadan avec appétit vont devoir patienter encore un peu, ultime tentation divine, dernière épreuve rédemptrice.
    Après ce sera l’Aïd el-Fitr, le silence des agneaux.
    Pour les autres, et bien ça signifie que la date du retour ne s’approche plus. Damned.
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    Va falloir durer. Garder un oeil photographique, forcément objectif, sur ce qui nous entoure et qui étonne moins.
    Qui risque de devenir familier. Voire auquel on pourrait s’attacher.
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    Rester en alerte pour ne pas tomber du côté où le climat et peut-être un peu de fatigue nous poussent.
    Des hallucinations envahissent déjà les pages du blog et ça n’est pas bon signe.
    C’était trop tôt pour arrêter les brochettes de mérou…

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    Faut se reprendre, mon gars, sinon tu finiras en ermite au fin fond d’un repaire de blogueur, emmuré vivant dans une chaleureuse moiteur comme un cancer du tropique.
    Non non non, tropicalitude molle tu n’auras pas ma peau, contrairement aux matous collés aux vitres des pièces climatisées.
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    Le temps s’est arrêté ? Soit, nous allons l’immoler.
    Tuons ce temps qui ne passe plus.
    La tâche est aisée le matin car il n’oppose pas trop de résistance.
    Le travail en vient facilement à bout, travail tabou.
     

    Le reste du temps ne se laisse pas faire.
    On l’attache à une chaise, un soleil de midi dans la figure pour qu’il nous dise tout, on le soumet à la question d’une sieste nécessaire, on le passe à tabac de plongées frénétiques, on l’étrangle au collet du braconnage numérique.

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    On le malmène, on l’étripe, on le lynche en vagabondages successifs.
    Il mange chaud le temps, comme nous d’ailleurs, et finalement il n’expire qu’à l’aube et au crépuscule.
    Aux heures tièdes de la journée.
    A ces moments qui pourraient être du matin comme du soir.
    Instants suspendus entre nuit et jour.

    Où le ciel et la mer se fondent

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    Où Menelik éteint ses lumières

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    Où des carrioles emmènent leur chargement d’ouvriers vers les chantiers

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    Où la mosquée ventrue est encore bleue au dessus des caissesImgp2130

    Où la siesta réveille ses morts à coup de corneillesImgp2141

    Où ces mêmes morts vont tremper leur linceulImgp2139

    Avant de retourner hanter la ville fantôme.Imgp2149 1

    Bref des minutes où l’on pourrait croire que, oui, enfin le temps est mort.

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    Alors immobile dans l’onde d’un ventilateur, paisible dans le courant de la clim, on en profite pour griffonner.
    Une envie qui prend comme la soif. On l’étanche. On s’épanche.
    Plic ploc de gouttes de sueur le long de l’échine.
    Scritch scratch d’une plume sur le papier.
    Les idées se répandent sur les feuilles par capillarité.
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    Encore un peu de temps a été tué, une petite victoire dans l’attente du départ.
    Re-mort du temps sans remords.
    Nous savons bien que tout sera à recommencer demain.
    Car elle n’est pas encore là l’heure du retour.
    Même si son heure viendra. Même si son tour aussi.

    La prison de Gabode peut garder ses portes closes.

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    Elle n’aura jamais les assassins sans victimes que nous sommes.
    Et pourtant nous n’avons pas fini de sévir…
     …encore tant de temps reste à tuer.

    Allez rentrons,

  • Ville noire saignée à blanc

    Souvenir d'un mois de juillet en ville, République de Djibouti, 2015.

    Juin dégoulinait dans la chaleur moite d’un été approchant, juillet se torréfie dans les bourrasques d'un vent désertique.
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    Les voies aériennes ramènent les familles en France, pour l’été ou définitivement.
    Djibouti se vide.
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    L’agent orange recouvre cette ville noire saignée à blanc. Les djiboutiens vont encore dire que c’est un coup des américains.
    Mais ce n’est que le Khamsin, qui égrene ses 50 jours de sable. Il exhale son haleine brulante dans les rues, obstrue l’horizon et masque le soleil.

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    Période particulière, à la mine patibulaire . Pays désert, ville exsangue. Plus aucun chouf pour réclamer des bakchichs. La voie est libre et les parkings à nouveau gratuits. Voilà qui convient parfaitement au braconnage numérique. Ne présager de rien. Ne pas influencer le cours des choses. Laisser l’image venir à l’objectif. Fureter. Observer en passant.

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    Avec Brindille, nous allons nous perdre dans les rues de la ville. Baroud d’honneur de cette brave petite voiture qui finira sa vie ici. La traite des blanches version mécanique. Mais alors qu’une vie d’homme est comptée au djiboutland, celle d’une voiture est étrangement longue.
    Les garagistes locaux sont très forts en réanimation africanisatrice. Des adeptes du « bankal-kiroul », le seul art à durer dans cette contrée. Il n’y a qu’à voir les taxis: colmatage de ci, rabotage de ça, ajout de bouts inutiles, ablation d’autres utiles, conversion des pièces d’origine en pièces chinoises assurant de perpétuelles réparations éphémères.

    L’excision mutilatrice, une fâcheuse tendance dans la corne d’Afrique.

    Seuls les hommes et des hommes seuls restent au djiboutland. C’est ce que les nayas d’Ethiopie aux jupes courtes, aux abyssins décolletés et mains baladeuses, celles des bars glauques des fins fonds de la ville, appelaient le mois du blanc. Rapport à la couleur de peau de cette clientèle qui affluait aussitôt la famille dans l’avion. Les dessous d’une vie portuaire où l’éloignement de la mère patrie donne l’illusion que tout est permis une fois la mère partie. Cette époque n’est pas complètement révolue. Mais les attentats ont un peu refroidi les chauds lapins. La nuit il fait maintenant désert à l’ombre du palmier en zinc.
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    Désert aussi le jour pour raisons contraires. C’est le Ramadan qui frappe.
    Tout le monde s’économise dans la pénombre ou à la climatisation.
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    La plage de la siesta, bondée il y a quelques jours encore, a cessé de jeter ses enfants sous les roues des 4×4.

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    Elle est totalement vide, et presque propre. Livrée au vent qui mêle le sable rouge au sable blanc de la mer bleue et emporte avec lui les derniers détritus. Même les vendeuses de Khat ont pris le rythme. Elles ne sortent plus qu’à la tombée de la nuit, comme des spectres dans les phares des voitures. Dans le Khamsin, leurs voiles ont des allures de feuilles mortes soulevées par l’automne.

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    Au-delà du rond point de Tokyo, le plateau du serpent love ses rails le long des quais. Le souvenir d’un train qui ne viendra plus. seuls des Afars ébouriffés égarés errent encore hagards dans la gare abandonnée. Les chinois en ont construit une nouvelle en dehors de la ville, loin du centre.

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    Un peu plus loin la croix de Lorraine perd pied. Elle s’efface par le bas ce qui n’estompera pas pour autant le souvenir des colonies. Bon pour les uns, mauvais pour les autres comme à chaque fois.

    Déserte aussi la plage du Héron. Les deux pieds dans un sable trop chaud, la tête dans un soleil trop haut, le bec tendu vers une mer trop basse. Les mêmes bateaux sont toujours là dans le port voisin, échoués peut-être ou fondant le métal de leur coque dans les vagues tièdes de la baie.

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    A Ambouli, le boiteux veille sur la voie ferrée. Véritable cordon ombilical de 85 millions d’Ethiopiens vers une mer inaccessible. 

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    Pendant ce temps les dromadaires sillonnent le bidon ville sous l’oeil rond des chèvres coprophages. Au milieu des ruines, autour des toukouls de fortune, des maisons gigantesques sont bâties à la chaine. 

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    Il paraitrait que la présidence va faire payer une taxe sur les terrains inhabités…probablement pas l’unique raison de tous ces chantiers. Voila qui sent le blanchiment d’un argent salement gagné. Celui de la piraterie ? peut-être bien.

    Dans les quartiers perdus, lorsqu’on arrive là où le goudron refuse d’aller, un peu plus d’agitation sur les routes défoncées. Des enfants surtout, jeunes qui ne jeunent pas, courent au milieu des poubelles débordantes éventrées. Ils s’enfuient en riant devant la voiture, sous l’oeil rutilant des mosquées. Allah et le président sont bien logés au djiboutland.

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    De temps en temps des barbus immaculés avachis dans l’ombre jettent un oeil islamiste à cette chevrolet suppôt de l’occident qui vient troubler leur disette. Heureusement que le Shaytan hirsute qui tient le volant à la barbe courtoise. Un salut de la main, un sourire, allez ça va tu peux y aller Infidèle.
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     Retour au centre ville par la piste. L’ancienne place du marché maintenant gare routière et son minaret ventru.
    Un grain de beauté au milieu des verrues.
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    Et disséminés un peu partout des vestiges de bâtiments qui furent beau.
    Djibouti, entre bidonville et ruines habitées. Une ville nomade quoi.
    Après ces images, il est bon de le rappeler:

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    Un peu plus haut sur la place Menelik, les taxis bercent leur chauffeurs dans la fraicheur relative d’une ombre timide.
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    Le restaurant « la chaumière » ravagé par l’attentat de mai 2014 a été reconstruit.
    On y mange à nouveau très bien, un oeil sur la porte d’entrée, les fesses serrées.
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    Enfin la place des banques et ça se voit. Les décorations de Noel sont toujours là.
    A quoi servirait de les enlever, Noel va revenir.
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    Au large l'ile de Moucha est abandonnée dans une brume de sable grumeleux.

    Le ponton giflé par les vagues a replié son bras au sec.
    Transats et fauteuils ont transhumé vers les abris. On accoste en se mouillant les pattes dans une soupe servie à la température l’air.

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    Sur la plage, les taus ont été arrachés et flottent déchirés comme des étendards de champ de bataille à la fin des combats. Ils ont été battus par le vent. Les parasols ont ébouriffé leur palme. A leurs pieds les jeux d’enfants sont renversés. Le sable s’accumule contre les murs en petites dunes régulieres. L’éolienne du lagon bleu a baissé les armes. L’ile reprend ses droits.
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    Au milieu des caisses de St Georges, il ne reste plus que de mous chats et le fantôme de Monfreid, qui trinquent ensemble à la défaite saisonnière de l’homme.
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    Retour mérité à la vie sauvage pour un endroit à préserver.

    Allez rentrons.

  • Amarres tombales

    Souvenir de la dernière nomadisation marine dans le golfe de Tadjourah, République de Djibouti avril 2015

    Deli Valetta, fameux esquif nous voilà.
    A bord un equipage de revenants, partis, rentrants, expats futurs empatriés venus voir l’écume.
    Celle que soulève ta proue, qui déferle le long de ta coque sans bruit.
    Venus sentir encore le vent du large sur leurs visages salés, profiter encore des rayons d’un soleil noir sur leurs peaux blanches, ensabler encore quelques souvenirs du sud dans leurs mémoires du nord.
    De quoi buriner l'âme et fuire encore un peu plus loin avant de rentrer…rentrer…rentrer…bon sang de boutre.

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    Obock, de l’autre côté du golfe de Tadjourah, en pays Afar. Le nord de Djibouti.
    La côte est belle par là bas aussi, sauvage pour ses naufragés, hostile pour les égarés.
    Obock, le rêve français d’une capitale djiboutienne. Premier comptoir colonial déchu depuis longtemps.

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    Ne persistent contre sable, vent de mer et désert que quelques maisons blanches et un dispensaire tenu par une soeur.
    Les conflits internes encore récents n'ont pas faciliter le développement local.
    Obock c'est aussi la dernière demeure de quelques militaires français.
    Les deux annexes nous déposent dans le cimetière marin pour leur rendre visite.

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    Ici reposent côte à côte marsouins et légionnaires.
    Sous leurs dalles immaculées de chaux, ils n’en finissent plus de sentir le sable chaud.
    Depuis l'an zéro du millénaire, leur dernière demeure a été révisitée.
    La grande croix noire qui leur faisait de l'ombre n'est plus et le métal commémoratif rappelant leur identité a disparu.

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    (le même cimetière en 2000)
    Remplacé par un panneau plastifié dont la vitre a été cassée par quelques esprits iconoclastes de passage.
    Soldats oubliés devenus inconnus. Sans arche ni flamme.
    Ici aussi on fait des misères aux défunts.
    Quand le manque de savoir vivre ne concerne pas que les morts, n’est-ce pas un peu de l’humanité qui meurt aussi ?
    Un pas plus loin dans le soleil couchant le campement de la Mer Rouge au beau milieu du rien environnant.
    Et c’est pour ça que c’est beau. Un panorama ultramarin magnifique.

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    Retour au Deli.
    Des reflets de brasero dans le dos, tandis que devant nous au dessus du phare du Ras bir, la nuit hisse son drapeau pirate, signal de l’abordage.

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    Les astres grimpent aux haubans des voiles d'Obock.
    Un vent marin, chaud comme le fut d’un canon de sabord corsaire qui a lâché sa bordée, ventile le mouillage.
    Touchée en plein cœur, une lune à l’emporte pièce ensanglante la nuit.
    Elle montre à tous les chats gris comment faire le dos rond, se hisse au dessus des toits de la ville fantomatique, et meurt en montant de tout son poids appesanti dans l’océan nocturne.


    Un silence chaud et humide remporte une victoire sans quartier sur le pont.
    Empêchant le sommeil mais propice aux songes.

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    Les heures d’éveil ont cet avantage qu’elles permettent des clichés improbables.
    L’éternelle appartenance du monde à ceux qui ne dorment pas.
    Insomniante addiction.
    Le lendemain, départ en compagnie d’une section de marsouins, bien vivants ceux-là.
    Ils restent de longues minutes à jouer dans les vagues autour du bateau.
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    A la troisième heure de navigation le Deli créa les sables blancs, sous un ciel gris, au dessus d’un tombant bleu.
    Apesanteur du bateau au dessus du fond sablonneux 20 mètres plus bas, où vient se poser l’ancre.
    Au fond  de sa cuisine le cuisto cent fois sur son métier microscopique remet son ouvrage avec succès.
    Diabolique artiste culinaire oeuvrant dans une chaleur infernale.
    Avec ses mains d'accoucheurs, l’homme fait naitre des fourneaux au feu de bois des lasagnes fabuleuses qui ruissèlent de spaghettis bolognaises et s’enchainent au carpaccio de bonite le tout sur fond de farandole de crudités, pain perdu et choux savoureux.
    Unique potée Afar en forme de blues culinaire dont la partition se joue sur le piano d’une cuisine aussi grande qu’une boite de conserve.

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    Une nouvelle nuit blanche aux sables bleus, sous une lune afar au regard pleinement hagard avant le départ.
    Profitons jusqu’au bout du bout de la dernière seconde de l’ultime minute de l’heure terminale où le soleil signera de son rayon déclinant l’ordre d’achever le périple.
    Nous voilà rattraper par l’autorité solaire.
    Menottes aux poignets, chaines aux pieds, jetés à fond de cale, l’horloge du temps nous pousse vers l’échafaud du retour.
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    Les vertèbres de la coque craquent sous les vagues, l’esquif se paralyse contre le quai.
    Dernier soubresaut du moteur.
    Dans le port de Djibouti git le Deli, ici périt notre escapade.
    Sous les amarres tombales du bord va maintenant reposer en paix dans nos souvenirs le « Horn of Africa dive club », avec cette épitaphe: « Allez rentrons »
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  • De 14 à 15

    Souvenir du nouvel an 2015, Ghoubbet El Kharab, République de Djibouti

    Un peu de vin de palme, quelques gouttes d’essence de tuba, une gorgée de liqueur de néoprène.
    A la manière d’une trace de pas laissée dans le sable humide d’une plage perdue,
    Versons un peu d’encre sur le fond sablonneux d’une page vierge.

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    Une page comme une plage de nouvel an en somme,
    De sable blanc déserte tropicale abandonnée.
    Une plage où se perdre comme des pirates
    Pour y enterrer le trésor des souvenirs, mais ne pas l'oublier.

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    Une page écrite à la plume de poisson perroquet,
    A l’encre fraiche, pourquoi pas de seiche ?
    Chaussé d'une jambe de bois, flotté bien entendu,
    Sur parchemin à l’épreuve du temps, en récif corallien.
    Laissons l'oeil borgne se remémorer ces jours passés.

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    Appâtés par quelques photos triées sur un volet de boutre yéménite,
    La mémoire vient mordre de belles cicatrices
    Dans ces mots laissés à la traine.

    Ca s’est passé le 31 de l'année, là l'an a trépassé
    Nous l'avons sabordé, coulé, immolé
    Ici furent les obsèques de l’année écoulée.
    Entre ile du diable et passe maudite
    Du Goubbet Al Kharrab. Voilà la suite:

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    Notre esquif a glissé sur la voie lactée pour gagner la baie des étoiles.
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    Sur la plage immaculée, l'ancre déposée dans l’encrier.

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    Du blanc écarlate au rose orangé, les pinceaux du grand peintre ont glissé 
    Des reliefs désertés aux vaguelettes argentés, sur le sable le bucher allumé
    A donné le signal de la nuit tombée en panaché de couleurs dans le ciel mélangées


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    Isolés du monde, sous un ciel constellé drapé de nuit cristalline
    Bercés de ressac, rafraîchis de brise marine
    Dans les braises de notre feu de camp, 2014 s'est consumée
    Le crime était parfait, on ne la retrouvera jamais.
    La lune et les étoiles de mer en seules témoins
    Nos pieds nus dansant dans ses cendres sur le sable africain

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    Quand il a fallu remettre les voiles, la tête lourde pour certains,
    La mémoire pleine pour tous, le feu sur la plage n’était pas éteint.

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    Nous avons écrit dans le sable l’histoire de nos méfaits,
    Comptant bien sur la marée pour les effacer.
    On ne retrouvera jamais cette année ensablée,
    Mais elle repose en paix, on ne l'oubliera jamais.

     

  • Nomade des mots

    République de Djibouti, désert du Gaggadé le 12 mars 2014

    Saint Exupéry, Flaubert, Dumas, Coelho
    Tous s'y sont brulés les sens
    Le désert
    Un nom comme un courant d’air
    A l’appel duquel le poète s'arrête
    Néant climatique où germe l’envolée
    Graine inspiratrice mi lyrique, mystique
    Aparté entre parenthèse poétique
    Cri vain écrit au panorama
    Qu'un soleil ardent rend liquide
    Mots épanchés sur feuille brulante
    Avant l'oubli de l'évaporation
    Versés pour assoiffé de l'oeil
    Affaire à saisir pour âme à l’écoute
    Oreilles à l’affût du silence
    Raconté par le sable que le temps tamise
    Les yeux écarquillés en son for intérieur
    L’homme respire l’erg qui s’exprime et l’inspire
    Il devient un conteur, un poète, un nomade des mots.

    Grand bara

  • Nuit abyssine

    05 décembre 2013, souvenir d'une nuit sur la plage des sables blancs, République de Djibouti

    Menant ses moutons de nuage le soleil poursuit son éternelle transhumance
    Tadjourah le salue, derrière le mont Goda il descend en vacances
    Assis sur les sables blancs l’homme admire sa déclinante errance
    Ephémère illumination et quotidienne extinction du monde depuis sa naissance

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    L’astre en partance, flamboie, rougeoie, se consume sans s’éteindre, en douceur
    La voie lactée, les étoiles et la lune lui courent après, elles n’en ont même pas peur
    Et avant qu’il expire, déjà éparpillent le ciel de leur tiède blancheur
    Tirant le voile du jour qui cache leur lueur, jet de poussière de verre dans la main du semeur

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    Le ciel africain s’allume et nous envoûte
    Une seule idée en tête, allongé sous la voûte
    Tandis que l’air marin berce lentement les boutres
    Boire ce spectacle jusqu’à la dernière goutte
    User sa rétine sur le fond de l’abîme
    Voir le granité de lumière que la nuit noire anime
    Car parmi ces milliards de paillettes, certaines se mutinent
    Elles tombent en brûlant, sans jamais atteindre la terre abyssine
    Le cri muet des astres est soufflé par le vent
    Immuable, intouchable et pourtant si vivant

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  • Un taxi pour Djibout

    Djibouti le 27 juin 2015
    27 juin, anniversaire de l’indépendance. Dans ce qui était une voiture et qui est maintenant un taxi djiboutien. Une chose blanche et verte, mue par un moteur mou et fumant du pot. A moins que ce soit la route ondulante qui l’emporte…ou le diable. Les 53 degrés environnant pourraient bien faire de ce trajet un enfer. Le bitume défile sous le plancher absent tandis que le véhicule slalom entre les piétons et les trous. Le chauffeur tuberculeux ouvre de temps à autre la portière pour expectorer sa contagion sur le goudron. Spécialiste de la conduite en triple file sur les simples voies, le taxi rebondit d’un virage à un autre aux sons de sa carlingue déliquescente et de ses amortisseurs absents. Vague odeur de friture et de plastique fondu. D’ailleurs les portières collent et les sièges aussi bizarrement. La moumoute synthétique qui couvre le tableau de bord a le poil haut et sale. Un cintre métallique tordu retient l’ensemble pour ne pas qu’il tombe sur les genoux du pilote. Enfoncé dans son siège, le bras pendant par une portière ou la vitre n’existe plus, ce dernier ne contrôle rien du tout car il ne discerne pas la route à travers tous les grigris qui pendent du rétroviseur (ah oui, tiens il y a encore un rétroviseur). Quand bien même il verrait où il va, il ne le verrait pas, aveuglé par le khat qu’il broute. Joue de hamster, dents vertes, yeux de hibou.
    Arrivée à destination. Allez rentrons.


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